Les petites maisons ou le réveil d’Epiménide, sont une satyre des mœurs de son tems qui ne différent des nôtres que parce que le vice n’osoit pas encore braver ouvertement les loix & la pudeur. […] On y explique les régles de la pudeur artificielle & de l’amour factice, ajouté au désir naturel. […] L’anéantissement du Sacerdoce, la communauté des femmes, l’éloge de la poligamie, l’extinction de la pudeur réelle, la jonction incestueuse du frere & de la sœur, le mépris des vœux monastiques, &c. ; tout cela donne-t-il une idée bien favorable des mœurs & de la Réligion de l’Auteur ; & la feuille des affiches, Juillet 1765, a-t-elle dû en faire avec une sorte d’entousiasme l’extrait & l’éloge, & dire de toutes ces horreurs. […] Le même Abbé s’est avisé de faire revivre & de rajeunir Rabelais, ce débauché sans pudeur, dont le Pantagruel est un amas d’ordures ; il en a donné une Edition, en a fait un commentaire & une clef, où il tâche de deviner les allusions que Rabelais lui-même ignoroit, & substitue des mots intelligibles à des mots factices & ridicules qui ne signifient rien, & auxquels l’Auteur n’a voulu faire rien signifier.
En un mot l’image du vice à découvert les choquait moins que celle de la pudeur offensée. […] La pudeur n’est rien. […] Mais toute femme sans pudeur est coupable, et dépravée ; parce qu’elle foule aux pieds un sentiment naturel à son sexe. […] Le vice a beau se cacher dans l’obscurité, son empreinte est sur les fronts coupables : l’audace d’une femme est le signe assuré de sa honte ; c’est pour avoir trop à rougir qu’elle ne rougit plus ; et si quelquefois la pudeur survit à la chasteté, que doit-on penser de la chasteté, quand la pudeur même est éteinte ? […] Les femmes sauvages n’ont point de pudeur : car elles vont nues ?
Il ne s’y représente rien qui puisse blesser tant soit peu la bienséance & la pudeur, & si ces grands Saints voyoient la comédie sur le pié qu’elle est à présent, loin de la condamner, ils l’approuveroient ; parceque ce n’est en effet qu’une juste & continuelle critique de tous les vices qui régnent dans le monde, où chacun se reconnoît dans les portraits ingénieux qu’on y en fait : & les Prédicateurs dans leurs sermons ne font guéres de morales plus intéressantes. […] On ne représente rien sur le théatre aujourd’hui, dites-vous, qui puisse blesser tant soi peu la bienséance & la pudeur ; cela peut être : mais ce qui est constant, est qu’on y dit au moins bien des choses qui y donnent de fâcheuses atteintes ; & la seule façon de représenter ce que l’on y joue, quelqu’honnête qu’on le suppose, est un grand sujet de scandale. […] Dieu a donné des Prophétes aux hommes, pour leur annoncer des volontés saintes, pour leur faire des portraits affreux de leurs désordres, afin de les rappeller à lui par la pénitence ; & pour leur prédire les malheurs dont ils étoient menacés, s’ils ne gardoient pas sa sainte Loi : mais il ne leur a jamais donné des baladins & des bouffons, pour leur faire des récits agréables & enjoués des désordres les plus honteux, sous le masque spécieux des plus mordantes critiques, afin qu’ils s’y abandonnassent sans scrupule & sans pudeur.