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268. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE IV. Suite des effets des Passions. » pp. 84-107

J'avoue que je n'ai pas grande foi au laboratoire d'une Actrice pour faire cette séparation des principes, et extraire cette quintessence des passions. […] Le théâtre présente à des yeux Chrétiens un second spectacle plus ridicule que la comédie, et bien tragique pour ceux qui comptent la mort de l'âme pour quelque chose : une foule de personnes assemblées pour s'oublier et se perdre elles-mêmes, méprisant leur principe et leur fin, la raison et la vertu, pour se repaître de chimères ; détruire le langage et les sentiments de la religion, pour ne parler que celui de la passion ; au lieu de travailler à corriger leurs vices, ne faire qu'en rire, et étudier l'art de les augmenter.

269. (1765) Réflexions sur le théâtre, vol. 4 « CHAPITRE VI. Du sérieux et de la gaieté. » pp. 128-149

Qui prendra des leçons de chasteté d'une Actrice, des règles de sagesse d'un Arlequin, des principes d'éducation, de générosité, de grandeur d'âme, d'un vil esclave du public ? […] On a tant crié contre les Casuistes relâchés qui avancent de faux principes ; mais jamais Escobar, Tambourin, Diana, Busembaum n'ont approché de la morale de Molière, Quinault, Racine, Dancourt, etc. et ne l'ont jamais si bien pratiquée.

270. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre IV. Christine de Suede. » pp. 111-153

Elle avoit à sa Cour deux Savans distingués, Meibonius qui venoit de donner au public un traité sur la musique des anciens Grecs, & Naudé qui en avoit donné une sur la danse des Romains ; elle voulut que Meibonius chantât à la Grecque, & Naudé dansât à la Romaine selon les principes de leurs ouvrages ; ils ne savoient ni chanter ni danser, elle ne vouloit que se moquer d’eux : ainsi l’un avec la voix cassée, rauque & tremblante ; l’autre avec ses pas lourds, traînans & sans cadence, lui donnèrent la farce sur son théatre, Naudé n’en fit que rire, Meibonius s’en offensa, il sut que l’Abbé Bourdelot avoit suggéré cette idée burlesque ; il l’attend quelques jours après, lui donne des coups de bâton, & sans prendre congé de la Reine, monte à cheval & se retire. […] Le célibat volontaire par un principe de Religion, est un acte héroïque, un célibat d’indépendance qui n’est pas soutenu par la pratique des vertus, n’est comme celui de Christine qu’un libertinage condemnable. […] Cette barbarie & la passion qui en furent le principe, ternirent sa philosophie , dit Voltaire, toutes ces belles qualités fussent-elles aussi réelles qu’elle sont fausses ou superficielles, sont dégradées par cette horreur ; elle eût été punie en Angleterre & par-tout ailleurs, la France ferma les yeux sur cet attentat contre l’autorité du Roi, le droit des nations & de l’humanité .

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