C’est un exercice que je ne méloue point aux jeunes enfants de maisoni ; et ai vu nos Princes s’y adonner depuis en personne, à l’exemple d’aucuns des anciens, honnêtement et louablement. […] Et trouverais raisonnable que le magistrat, et le prince, à ses dépens, en gratifiât quelquefois la communen, d’une affection et bonté comme paternelle ; [c] et qu’aux villes populeuses il y eût des lieux destinés et disposés pour ces spectacles : quelque divertissement de pires actions et occulteso.
Il les envoyoit en présent aux princes, & y joignoit des vers à leur gloire & à la sienne : il s’y qualifioit de Divin, libre par la grace de Dieu, l’implacable ennemi des vices, le protecteur des vertus, le fléau des princes . […] Ils décident, ils sont entraînés comme l’étoient alors les princes qui pensionnerent ce cynique, qu’ils auroient dû mettre en prison. 5°. […] Le Duc entretenoit un bouffon qui l’amusoit par ses bouffonneries, comme le Tasse par ses vers : deux sortes d’amusemens que tous les princes croyoient alors de la grandeur d’avoir dans leur cour. […] Il tomba dans un autre excès, il insulta le Duc par ses lettres : il écrivit de toutes parts aux princes qui le connoissoient, au Duc de Savoye, au Duc de Mantoue, aux Médicis, au Pape. […] L’excès de la flatterie la décrédite auprès des princes qu’elle encense : ils sont les premiers à se moquer de ces miseres ; & le Cardinal étoit mécontent d’Arioste, lorsqu’il lui offrit son poëme pour rentrer dans ses bonnes graces.
C’est de là que provient la source de ce mélange du spirituel et du temporel, qui, alors comme aujourd’hui, fut si pernicieux aux intérêts des princes. […] Les évêques, en plaçant la couronne sur la tête des rois, faisaient accroire aux princes faibles, ignorants et superstitieux, qu’ils n’obtenaient légitimement leur royaume, qu’en le recevant de la part de Dieu, par les mains de ministres qui se prétendaient investis de la puissance divine sur terre, comme représentants immédiats de Dieu. […] Il ne voudrait, enfin, voir dans les évêques que de grands seigneurs, entourés de tout le luxe mondain de nos princes séculiers.