La Tragédie vous a toujours paru comme une école raisonnable de la vertu, & moi je prétends au contraire qu’elle donne au vice des leçons intéressantes, qu’on y succe un poison d’autant plus funeste, que l’on s’en défie moins ; on a sçu le deguiser sous les apparences d’un aliment très-utile. […] Corneille a prétendu justifier le Théâtre par le discredit de sa Théodore qui frappoit l’esprit de l’affreuse idée d’une prostitution à quoi cette Sainte étoit condamnée. […] En effet, que prétend Corneille dans le Cid, sinon que l’on ait pour Chiméne les yeux de Rodrigue, qu’on l’aime, & que l’on tremble avec lui lorsqu’il est en danger de la perdre, & qu’on s’estime heureux avec cet amant qui la posséde enfin ?
Je ne prétends rien exagérer, Chrétiens, et ce n’est pas mon dessein de condamner sans exception tous les divertissements de la vie ; je sais quels arrêts le Fils de Dieu a portés contre les heureux du siècle, lorsqu’il a dit en général : Væ vobis qui ridetis ! […] Je prétends qu’il y a des divertissements dans le monde, qui passent pour légitimes et que l’opinion commune des gens du siècle autorise, mais que le christianisme condamne, et qui ne peuvent s’accorder avec l’intégrité et la pureté des mœurs. […] et ne seroit-ce pas une témérité insoutenable, et où nul chrétien de bon sens ne tombera jamais, de prétendre que ces hommes de Dieu se soient tous égarés, qu’ils aient tous porté trop loin les choses, et que dans le siecle où nous vivons, nous soyons plus éclairés qu’ils ne l’étoient ? […] Quand vous prétendez que le jeu, j’entends certain jeu, est indifférent, et quand je soutiens que l’excès du jeu est criminel, votre proposition et la mienne sont toutes deux vraies et se concilient parfaitement ensemble ; mais moi par la mienne je vous avertis d’un abus que la vôtre ne corrigera pas. […] Il y en a qui dans leur substance n’ont rien de criminel, et dont l’usage, si vous le voulez, ne va point à des excès remarquables ; mais Dieu néanmoins prétend avoir droit de vous les défendre, et en effet il vous les défend ; pourquoi ?
S’il n’y avoit rien à craindre dans les bals & dans les danses, comme le Monde le prétend, le Saint Esprit prendroit-il tant de soin pour nous en détourner ? […] Vous entreprenez beaucoup, quand vous prétendez qu’on doit s’abstenir des danses, des bals, & des comédies : c’est un usage que bien des gens ne condamnent pas, & une ancienne coûtume : pourquoi ne sera-t-il pas permis de la suivre ? […] Telle est la coûtume qu’on prétend justifier. […] Ils ont beau dire qu’ils ne prétendent pas consentir au péché de ceux qui s’en servent, ils ne laissent pas d’être coupables : car s’il n’y avoit point d’artisans qui fissent & vendissent des masques, on n’en verroit pas tant dans les rues & dans les bals, au grand scandale des gens de bien.