Ce n’est ni violence, ni nécessité, ni obligation d’Etat qui les entraîne au théatre ; ils y vont volontairement, & pour leur plaisir. […] Thomas ajoute que si on y représente des choses indécentes ou capables de porter au péché, turpium vel ad peccatum provocantium, on pèche en les regardant avec plaisir ; ce plaisir & ce goût peuvent être si grands, que le péché sera mortel : Tanta potest exhiberi libido ut sit mortale. […] Qu’on cherche la moindre preuve de gravité dans ces bouffonneries, ces ris immodérés, cet excès de passion, cette ivresse de plaisir, ce ravissement du chant, cet éblouissement des décorations, cette espèce d’extase où l’homme hors de lui-même, absorbé dans ces objets, n’est occupé que de ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il sent dans ces momens de plaisir : Gravitas totaliter relaxatur. […] En conclurra-t-on que tout le monde peut pour son plaisir lire ces livres, regarder ces objets, écouter ces détails ? […] Et tout cela n’est point nécessaire, comme l’étude de la médecine ; tout cela ne se fait que par plaisir, pour favoriser les passions.
Nos premiers Rois tout occupés à conserver, ou à étendre leurs conquêtes, et à s’affermir sur leur nouveau Trône, plus souvent à la tête de leurs Armées que dans leurs Palais, négligèrent longtemps les jeux et les plaisirs, qui ne sont ordinairement que les fruits d’une heureuse et parfaite tranquillité. […] Ceux-ci qui n’étaient attachés à aucun lieu permanent, continuèrent à courir le monde, et à représenter leurs bouffonneries dans les Places publiques, ou dans les maisons des particuliers qui les y appelaient pour s’y donner ce plaisir. […] Les Princes et les Grands Seigneurs se donnaient souvent ce plaisir, et leur faisaient de riches présents. […] néanmoins qui se reformèrent s’y rétablirent, et y furent soufferts dans la suite du règne de ce Prince, et des Rois ses Successeurs : nous en avons la preuve dans un tarif qui fut fait par saint Louis, pour régler les droits de péage, qui se payaient à l’entrée de Paris sous le Petit Châtelet ; l’un des articles porte, que le « Marchand qui apporterait un Singe pour le vendre, payerait quatre deniers ; que si le singe appartenait à un homme qui l’eût acheté pour son plaisir, il ne donnerait rien : que s’il était à un joueur, il en jouerait devant le Péager, et que par ce jeu, il serait quitte du péage, tant du singe, que de tout ce qu’il aurait acheté pour son usage. […] prirent dans la suite ce nom de Jongleurs comme le plus ancien, et les femmes qui s’en mêlaient celui de Jongleresses : ils se retirèrent à Paris dans une seule rue qui en avait pris le nom de rue des Jongleurs, et qui est aujourd’hui celle de saint Julien des Ménétriers ; on y allait louer ceux que l’on jugeait à propos pour s’en servir dans les fêtes ou assemblées de plaisir.
Celui donc qui appartient à Jésus-Christ, comment peut-il regarder les vanités, puisque Jésus-Christ a crucifié dans sa chair tous les vains plaisirs du monde ? […] Que sert à l'homme de jouir d'un plaisir passager, s'il est suivi d'une douceur éternelle, et s'il est tourmenté nuit et jour par la concupiscence ? […] Ils leur applaudissent pour des choses pour lesquelles on les devrait lapider, et ils s'attirent ainsi sur eux-mêmes par ce plaisir malheureux le supplice d'un feu éternel ; car en les louant de ces folies, on leur persuade de les faire, et on se rend encore plus digne qu'eux de la condamnation qu'ils ont méritée. […] Si vous n'aimiez point à les dire, vous n'auriez point tant de plaisir à les écouter, ni tant d'ardeur à courir à ces folies. Quand vous entendez des personnes qui blasphèment ; vous ne prenez point plaisir à ce qu'ils disent ; vous frémissez au contraire ; et vous vous bouchez les oreilles pour ne les point entendre.