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399. (1667) Lettre sur la Comédie de l'Imposteur « Lettre sur la Comédie de l’Imposteur » pp. 1-124

Cependant on fait tant, qu’on l’oblige à vouloir bien essayer ce qui en sera, ne fût-ce que pour avoir le plaisir de confondre les calomniateurs de son Panulphe : c’est à cette fin que le bonhomme s’y résout, après beaucoup de résistance. […] Cette forme est en général quelque motif de joie, et quelque matière de plaisir que notre âme trouve dans tout objet moral. Or ce plaisir, quand il vient des choses raisonnables, n’est autre que cette complaisance délicieuse, qui est excitée dans notre esprit par la connaissance de la Vérité et de la Vertu : et quand il vient de la vue de l’ignorance et de l’erreur, c’est-à-dire de ce qui manque de Raison, c’est proprement le sentiment par lequel nous jugeons quelque chose ridicule. […] Que le sentiment du Ridicule soit le plus froid de tous, il paraît bien, parce que c’est un pur jugement plaisant et enjoué d’une chose proposée : or il n’est rien de plus sérieux que tout ce qui a quelque teinture de passion ; donc il n’y a rien de plus opposé au sentiment passionné d’une joie amoureuse, que le plaisir spirituel que donne le Ridicule. Si je cherchais matière à philosopher, je pourrais vous dire pour achever de vous convaincre de l’importance des premiers instants en matière de Ridicule, que l’extrême attachement de l’âme pour ce qui lui donne du plaisir, comme le Ridicule des choses qu’elle voit, ne lui permet pas de raisonner pour se priver de ce plaisir, et par conséquent qu’elle a une répugnance naturelle à cesser de considérer comme Ridicule, ce qu’elle a une fois considéré comme tel : et c’est peut-être pour cette raison que, comme il arrive souvent, nous ne saurions traiter sérieusement de certaines choses, pour les avoir d’abord envisagées de quelque côté ou ridicule, ou seulement qui a rapport à quelque idée de ridicule que nous avions, et qui nous l’a rafraîchie : combien donc à plus forte raison cette première impression fait-elle le même effet dans les occasions aussi sérieuses que celles-ci !

400. (1758) Réponse pour M. le Chevalier de ***, à la lettre de M. des P. de B. sur les spectacles [Essais sur divers sujets par M. de C***] « Réponse pour M. le Chevalier de***, A la lettre de M. des P. de B. sur les spectacles. » pp. 128-142

Le danger que vous courez est donc bien plus grand à la lecture qu’au spectacle même ; car, quand même je vous accorderois qu’il pourroit faire plus d’impression sur vos sens, ce ne seroit tout au plus qu’une impression momentanée qui finit avec l’objet qui l’a fait naître ; mais la lecture produit un effet bien différent, elle vous présente sans cesse cette image séductrice : vous vous y arrêtez : vous la revoyez à toute heure avec un nouveau plaisir. […] Augustin s’accuse aussi d’avoir trop pris de plaisir aux chants de l’église ; est-ce à dire qu’il ne faut plus aller à l’Eglise ?

401. (1758) Causes de la décadence du goût sur le théatre. Seconde partie « Causes de la décadence du goût sur le théatre. — Chapitre XXI. Si les Comédiens épurent les mœurs. Des bienséances qu’ils prétendent avoir introduites sur le Théatre » pp. 86-103

La Machine de Marly élève l’eau plusieurs centaines de toises au-dessus de son cours ; forçant les loix de la nature, elle fait monter ces eaux du fond d’une profonde vallée, sur des hautes montagnes, pour aller faire la plaisir de nos Rois. […] On sort du spectacle, le cœur si rempli des douceurs de l’amour ; & l’esprit si persuadé de son innocence ; qu’on est tout préparé à recevoir ses premieres impressions, ou plûtôt à chercher l’occasion de les faire naître dans le cœur de quelqu’un, pour recevoir les mêmes plaisirs, & les mêmes sacrifices que l’on a vûs si bien représentés sur le Théatre.

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