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81. (1767) Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs « Essai sur les moyens de rendre la comédie utile aux mœurs — SECONDE PARTIE. Si les Comédies Françoises ont atteint le vrai but que se propose la Comédie. » pp. 34-56

Un Auteur a fait un ouvrage qui lui mérite d’abord une approbation universelle ; il plaît à un critique qui a du crédit dans la République des lettres, de tourner le nom de l’Auteur en ridicule, & voilà l’Auteur & son ouvrage devenus l’objet du mépris universel. […] Moliere nous a bien fait voir dans cet ouvrage qu’il connoissoit le vrai but de la Comédie ; & s’il ne s’y est pas conformé dans toutes ses pieces, c’est qu’il a plutôt voulu plaire qu’instruire, ou peut-être, ce qui est plus vrai, c’est qu’il a appris par sa propre expérience qu’il y a quelques persécutions à essuyer, quand on tente sérieusement la réforme des Mœurs Il est d’autant plus admirable dans le Tartuffe, qu’il a su y joindre l’utile & l’agréable, & tirer l’un & l’autre du fond de son sujet. […] Je puis donc conclure d’après ces réflexions, que nos Auteurs comiques en général se sont plutôt attachés à plaire qu’à instruire ; qu’ils ont plutôt tourné les vices en ridicule, qu’ils n’en ont inspiré de l’horreur, & par conséquent qu’ils n’ont point atteint le but que se propose la Comédie.

82. (1715) La critique du théâtre anglais « CHAPITRE IV. Le vice élevé en honneur et substitué à la place de la vertu sur le Théâtre Anglais. » pp. 240-301

Il n’est donc pas tout à fait aussi criminel qu’il plaît à M. […] Il semble qu’un tel renversement, loin de plaire, ne devrait jamais manquer de choquer la raison, et d’exciter l’indignation de ceux qui en sont les spectateurs. […] que c’est le but que se propose la Poésie que de plaire : mais ce n’est pas le principal. […] Mais comme la passion de plaire et de réjouir s’usurpe des privilèges sans mesure sur notre Théâtre, il est bon de dire un mot du sentiment d’Aristote à ce sujet. […] Quoiqu’il en soit, nous sommes donc maintenant à la source de l’iniquité de nos Poètes, de leurs obscénités, de leurs impiétés, de leur application à jouer la Religion et ses Ministres : tout cela n’est que pour plaire et divertir.

83. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE IV. Des Pièces pieuses. » pp. 68-95

Mais le théâtre ne plaît qu’autant qu’il flatte la corruption : dès que le vice n’en fera plus l’assaisonnement, qui daignera s’y trouver ? […] Ce mélange de religion et de comédie, de controverse et de ridicule, de sérieux et de frivole, ne doit plaire à personne. […] Fuir les occasions, les rechercher ; mortifier ses sens, les satisfaire, s’occuper de la présence de Dieu, l’oublier ; veiller sur soi, se dissiper ; penser aux fins dernières, en écarter l’idée ; s’humilier et se détacher de tout, nourrir l’orgueil, l’ambition, la cupidité ; pardonner, se venger ; plaire à Dieu, plaire au monde, etc., voilà deux morales dont la religion et la comédie présentent le contraste perpétuel. […] On ne veut que plaire et s’amuser, et trouver peut-être quelque prétexte pour excuser la comédie par un vernis de piété. […] Jugeons si un spectacle où tout ne parle, ne chante, ne représente que les passions, peut jamais lui plaire.

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