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20. (1666) Dissertation sur la condemnation des théâtres « Disseration sur la Condemnation, des Théâtres. — Chapitre XII. Que la représentation des Comédies et Tragédies ne doit point être condamnée tant qu'elle sera modeste et honnête. » pp. 237-250

Les Poètes ont souvent mis sur le Théâtre des sujets graves tirés de toutes sortes d'Histoires, et même de nos Ecritures Saintes, et des persécutions de nos Martyrs ; elles font encore aujourd'hui comme autrefois l'exercice de la jeunesse studieuse, et les Maîtres des Sciences qui tiennent la plus belle Ecole de doctrine et de piété, ne feignent point de composer une infinité de ces Poèmes, et d'en donner publiquement le récit par le ministère de leurs Disciples, les plus modestes et les plus illustres. […] Quand on renouvela ce divertissement dans l'Europe, il commença par des Satires aigres et mordantes qui tirèrent bientôt après elles le libertinage, et cela fut corrigé par les Histoires Saintes que l'on y fit représenter ; et les personnes de piété en prenaient tant de soin, que l'on forma cette Confrérie de la Passion, qui possède encore l'Hôtel de Bourgogne, où l'on représentait des Histoires Saintes ; et où maintenant on en représente encore de toutes sortes. […] Il est certain néanmoins que depuis quelques années notre Théâtre se laisse retomber peu à peu dans sa vieille corruption, et que les Farces impudentes, et les Comédies libertines, où l'on mêle bien des choses contraires au sentiment de la piété, et aux bonnes mœurs, ranimeront bientôt la justice de nos Rois, et y rappelleront la honte et les châtiments ; et j'estime que tous les honnêtes gens ont intérêt de s'opposer à ce désordre renaissant, qui met en péril, et qui sans doute ruinera le plus ordinaire et le plus beau des divertissements publics ; Car l'opinion des doctes Chrétiens, est que la représentation des Poèmes Dramatiques ne peut être condamnée quand elle est innocente, quand elle est honnête.

21. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE II. Des Spectacles des Communautés Religieuses. » pp. 28-47

Les drames religieux amusent sans conséquence des personnes bien disposées, qui n’en abusent pas, et qui dans la retraite, privées de tous les plaisirs, et sans cesse occupées à des exercices de piété, ont besoin de quelque délassement. Les laïques y sont rarement admis ; ce ne sont que des personnes choisies, dont la piété décidée et l’attachement connu à la Communauté garantissent la discrétion. […] Comédie, Cas 4.) qu’il a été consulté sur une Communauté, qu’il place à Milan, et qui apparemment n’est pas au-delà des Alpes, où les Religieux, d’ailleurs très édifiants, jouent quelquefois entre eux seuls, et fort secrètement, des pièces de théâtre sur des sujets de piété, et louent pour cet effet des habits à la comédie, dont ils se couvrent par-dessus les leurs. […] Ces usages, dans le goût de ces nations, où à travers quelques abus on voit un fonds de piété, et des sentiments de pénitence, sont peu conformes à nos mœurs. […] Valier, Evêque, n’approuvait pas ce spectacle, et que son prédécesseur M. de Laval, Prélat d’une piété éminente, le condamna hautement, dès qu’il parut en Canada.

22. (1763) Réflexions sur le théâtre, vol. 1 « CHAPITRE VII. De l’idolâtrie du Théâtre. » pp. 143-158

C’étaient à la fois des exercices de piété et des amusements ; voilà toute la mythologie en action, c’est l’olympe descendu sur le théâtre. […] La loi des douze tables, par piété ou par politique, rendit à Rome tous les spectacles des exercices religieux. […] » La religion se trouve aussi mêlée dans l’origine du théâtre, soit qu’on ait voulu attirer le peuple à la piété par l’appas du spectacle, soit que l’homme, et surtout le Chrétien, soit naturellement entraîné à mettre partout la religion : intention bonne sans doute, et dont la grossièreté du siècle doit faire excuser les moyens aussi imprudents qu’indécents. […] Il se forma des troupes de Comédiens qui pour se donner un air de piété, se nommaient les Confrères de la Passion. Des Pèlerins plus aguerris, plus enthousiasmés, plus charlatans que d’autres, en furent les héros : « Jouaient les Saints, la Vierge et Dieu par piété », dit Boileau.

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