Je suis sûr que dans toute l’Europe, parmi les Pièces soit anciennes soit modernes, on en trouverait peu qui méritassent l’approbation de ces deux Saints Docteurs. […] Je fais donc voir dans cet Ouvrage la nécessité de réformer le Théâtre : en conséquence de ce principe je propose une méthode et des règles pour exécuter la réforme dans toutes ses parties : on y trouvera une espèce de Catalogue raisonné d’un petit nombre de Pièces, dont une partie peuvent subsister telles qu’elles sont, d’autres qu’il faudrait corriger, et quelques unes de celles que je rejette tout à fait.
Mais, quand la Pièce a été jouée, que leur reste-t-il dans la mémoire ? […] A leur âge, ils ne sont pas en état de suivre l’intrigue d’une Pièce, ni de faire des réflexions sur l’instruction qu’on peut tiret des défauts d’un caractère : ils n’ont des oreilles que pour entendre ce que l’on dit ; et ce qu’ils auront entendu, ils le répéteront sans cesse, et ne l’oublieront jamais.
Or, il arrive quelquefois que les Auteurs au lieu de copier la nature la défigurent : et de l’autre côté que les Acteurs la font tellement grimacer que le Spectateur qui la cherche ne peut la reconnaître ; Mais lorsqu’un Auteur est parvenu à bien peindre la nature et que les Acteurs récitent la Pièce dans son véritable ton, en sorte que l’esprit séduit agréablement, prenne la fiction pour la vérité même : alors on est obligé de convenir qu’une représentation Théâtrale est un amusement supérieur à tout autre Spectacle public tel qu’il puisse être, parce qu’en satisfaisant les yeux, il intéresse le cœur et l’esprit. […] Sans examiner s’il est utile ou dangereux d’agiter le cœur humain jusqu’à ce point, ni le risque évident que courent ceux qu’on fait subitement passer d’un état de tranquillité et de repos à celui d’inquiétude, de colère, ou de toute autre passion : sans, dis-je, examiner ces points, je me bornerai seulement à parler de la passion d’amour, que je vais comparer dans la Tragédie du Cid à toutes les autres impressions que cette même Pièce peut inspirer.