On les a mis au jour ; on en a fait des Romans, on a traduit ses lettres, & dès lors on lui a donné le plus grand mérite, il est devenu le prodige de son siécle, le Philosophe, le Théologien par excellence ; il a eu trois mille écoliers qui logeoient sous des tentes, au tour de son hermitage. […] Pour lui c’est le maître, l’oracle de toutes les sciences, il confond tous les philosophes, par ses subtilités ; il entraîne par son éloquence, il enchante par sa poësie & par sa musique ; toutes les femmes courent après lui, il étonne le monde par l’ancyclopédie de ses connoissances. […] Dans un de ces livres scandaleux, & mal écrits, intitulé le Philosophe amoureux, où le vice a pris pour texte, raconté & commenté à sa maniere, les amours d’Héloïse & d’Abaillard ; on trouve des choses singulieres & absurdes, qui n’ont pu échaper qu’à un homme de théatre. 1°. Une lettre écrite par Abaillard à Philinte, où ce philosophe raconte, sans pudeur, & avec complaisance, ses infamies. […] La préférance qu’elle donne au célibat, sur le mariage, non par un principe de réligion, comme l’Evangile y invite, mais par un rafinement de volupté, pour rendre plus piquant des plaisirs que la decence assaisonne, & que la liberté & la légitimité du mariage rend insipides, principe des Philosophes ennemis de l’état Réligieux, dont cette admirable Abbesse du Paraclet ne rougit pas de faire l’aveu.
Il n’y a presque point de comédie où quelqu’un ne soit joué, & dont on n’eût pû faire des clefs satyriques ; les Précieuses ridicules sont la satyre de l’hôtel de Rambouillet ; les Femmes savantes, de Cotin, Ménage ; George Dandin, d’un bourgeois de ce nom ; le Tartuffe, de M. de Lamoignon ; le Misanthrope, de M. le Duc de Montauzier ; Pourceaugnac, d’un Limosin de ce nom ; le Philosophe, du Bourgeois Gentilhomme, Rosaut, dont il emprunta le chapeau pour le jouer mieux ; l’In-promptu de Versailles joue les Comédiens & Boursault ; la Critique de l’École des Femmes tous les censeurs ; les Facheux toute la Cour ; le Mercure a été joué par Boursault, ce qui lui fit faire un proces ; les Folies amoureuses de Regnard, le Rendez-vous de Baron, le Pédant de Bergerac, &c. […] Let. 10.), à l’occasion de la comédie des Philosophes, dont il fait avec raison l’éloge littéraire, convient des personnalités qui y sont répandues contre Diderot & ses consorts encyclopédiques. […] Les plus grands Philosophes ne furent pas plus épargnés qu’ils le sont aujourd’hui ; mais heureusement pour eux, ils n’avoient pas contre-dit leur philosophie jusqu’à se déclarer défenseurs du théatre. […] C’est là le Tabarin que Madame Dacier, admiratrice de Socrate, ose admirer ; voilà l’homme qui prépara de loin le poison dont des Juges infames firent périr le Philosophe le plus vertueux de la Grèce.
Premièrement, le jugement de ce philosophe, si cher à ces esprits dissous dans la volupté, me paroît ici un peu suspect. […] Bayle, que vous n’accusez pas avec moins d’injustice, je vous renvoie à l’examen critique des remarques de M. l’abbé d’Olivet sur la théologie des philosophes Grecs.