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114. (1769) Réflexions sur le théâtre, vol 8 « Réflexions sur le théâtre, vol 8 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE HUITIEME. — CHAPITRE II. Des Masques. » pp. 28-54

Je n’ai point pénétré dans le Conseil de la Seigneurie, mais il n’est pas douteux que ces folies ne fassent rouler dans la ville un argent immense, & que le peuple de Venise ne soit, par la dissolution de ses mœurs & la frivolité de ses amusemens, hors d’état de soutenir une révolte sérieuse. […] De quels moyens, dit-il, la Noblesse Venitienne n’use-t-elle pas pour consoler le peuple de l’inégalité ? […] Par le premier les richesses des Grands refluent vers le peuple sans faste & sans éclat ; par l’autre le peuple se trouve six mois de l’année au pair avec les Grands, & oublie sous le masque leur domination & sa dépendance. […] Les Actrices, les Acteurs, les suppôts ne sont que peuple, & le plus bas peuple. […] c’est le peuple en masque, c’est un bal masqué, où personne n’est connoissable.

115. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre III. De l’Unité de lieu, de Tems & de Personne. » pp. 211-238

Car serait-il vraisemblable qu’une foule de Peuple changeât subitement de place, sans qu’on la vit ni se mouvoir, ni passer dans un autre lieu par quelqu’événément surnaturel ? […] La beauté des décorations ne charme que le Peuple. […] Disons à la gloire des Français qu’ils sont les seuls peuples de l’Europe qui ayent voulu adopter l’unité de lieu ; il n’ont pas craint, ainsi que les Allemans, les Anglais, les Espagnols & les Italiens, de s’asservir à des règles trop génantes, aussi leurs Poèmes ne craignent ils aucune comparaison. […] Les Chinois sont les seuls Peuples de l’Univers qui la fassent continuer pendant dix ou douze jours de suite, en y comprenant les nuits23. […] Il faut que ce Peuple soit bien amoureux de Spectacle.

116. (1752) Traité sur la poésie dramatique « Traité sur la poésie dramatique — CHAPITRE VII. Histoire de la Poësie Dramatique moderne. » pp. 176-202

Enfin, comme si la Religion devoit toujours avoir part à la naissance de la Poësie Dramatique, on attribue l’établissement des Représentations Théâtrales, sérieuses, à ces Pelerins qui revenant de la Terre Sainte le bourdon à la main, voulurent amuser le Peuple. […] Il traitoit de grands Sujets, comme Lucifer, ou la chute des Anges, chute arrivée, suivant le Poëte, parce que le Diable étoit amoureux d’Eve, la Délivrance du Peuple d’Israel, David livrant les enfans de Saül aux Gabaonites pour être pendus, la prise d’Amsterdam, Palamede, Piéce fameuse, qui rappellant aux Spectateurs la fin tragique de l’illustre Barnevel, eût causé celle du Poëte, si l’on n’eut trouvé le secret de le dérober à la colere du Stathouder. […] Japhet faisoient rire le Peuple : Moliere vint, & fut bientôt en état de dire à des Personnes qui n’étoient pas du Peuple, & qui rioient à ses Comédies : Pourquoi riez-vous ? […] Nos fameuses Piéces furent mieux reçues par d’autres Peuples : traduites chez les Italiens, elles parurent sur leurs Théâtres, & y firent oublier toutes celles que Crescembeni appelloit des merveilles. […] Je parlerai dans la suite de cette Piéce ; & à l’égard du succès de la Merope sur les Théâtres de l’Italie, je rapporterai ce qu’en a écrit Riccoboni, qui y contribua beaucoup par son talent pour la Déclamation tragique, talent devenu très-rare dans le Pays de Roscius, parce que, dit-on, le Peuple en Italie n’a jamais aimé les Spectacles tristes.

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