Clément d’Alexandrie, alloit si loin que non seulement les hommes & les femmes portoient à leurs bagues, leurs bracelets, leurs bijoux, leurs rubans, leurs cachets, le nom, le chiffre, la livrée, le portrait de leurs amans & de leurs maîtresses, mais encore qu’ils le faisoient broder ou peindre sur leurs habits & sur leurs souliers. […] Ce que l’Apocalipse peint en grand, chaque femme à sa toilette l’exécute en petit.
Et je ne doute pas que leur décence n’ait contribué à les faire tomber : on n’aime que ce qui peint naturellement & fait saisir vivement l’objet des passions criminelles, suit leur marche, excite leurs sentimens, en fait goûter le plaisir, en assure les progrès, aiguise leurs traits émoussés par la satiété, en un mot, allume, ranime, entretient les ardeurs de la concupiscence & le foyer du péché. […] Qu’on les compare enfin avec tous les Prédicateurs & les livres de piété de notre siecle, qu’on fasse un discours tissu des seules paroles des Pères contre la comédie, personne qui n’y trouve peint au naturel ce qui se passe parmi nous : c’est toûjours le même cri de la religion & de la vertu, les mêmes armes contre l’ennemi commun de tous les siecles, qui a toûjours tendu les mêmes pieges & fait les mêmes ravages.
Il s’est tres-bien peint lui-même : Mon goût, dit-il, est de ne m’amuser qu’à des espèces de mignatures, à des développemens naïfs du cœur, des idées riantes, que je veux toujours traiter simplement, & jamais parées que de leurs propres beautés, qui souvent même se perdent sous la main. […] Cette idée favorite de notre Auteur, qui peint lui-même sous ces traits le caractère de ses productions, le développement naïf du plaisir qui règne par-tout, est la mollesse elle-même qui dédaigne les plaisirs bruyans, & s’endort voluptueusement dans les bras du vice.