Je suppose que quelqu’un des Spectateurs aura par préférence été touché en voyant représenter le Cid de l’impétueux transport du Comte de Gormas, et qu’en conséquence il conservera un mouvement d’indignation contre ce Comte ; un autre au contraire s’en retournera pénétré de la généreuse compassion qu’il aura ressenti pour Rodrigue lorsqu’il apprend l’insulte faite à son père : un troisième enfin animé par le courage de Rodrigue, remportera du Théâtre des sentiments de vengeance.
Tout le monde pense de même : quel père, quelle mère, pour peu qu'il aime sa famille, voudrait avoir la comédie à sa porte ! […] ) pour confirmer sa juste aversion des spectacles, rapporte la catastrophe du fils d'un Magistrat, à qui son père, qui lui destinait sa charge, avait donné la plus belle éducation, mais dont la fréquentation du théâtre fit un débauché. Son père, baigné de larmes, le suivait de ville en ville, errant avec la troupe à laquelle il s'était donné. […] Si ce Père, qui avait de la piété, a fait une pareille apologie, ce n'est que par la contagion du Jésuitisme : pouvait-il condamner atrocement la Société, qui partout faisait jouer des pièces, surtout chaque année à Paris, où lui-même en avait composé, et avec un tel éclat, que l'on y invitait toute la ville, que le spectacle durait presque tout le jour, que les enfants des plus grands Seigneurs y étaient Acteurs, que le Mercure et la plupart des Journaux en faisaient une honorable mention, qu'après avoir donné pour la forme quelques scènes Latines, conformément aux constitutions de S.
Il alloit à la comédie, mais à regret & par force, pour accompagner M. le Dauphin, que sa charge l’obligeoit de suivre, comme Naaman accompagnoit son Roi au Temple des idoles par le devoir de sa charge, sans prendre part à l’idolatrie qu’il détestoit ; ses soins à écarter les dangers & à en dégoûter ce Prince, n’empêchèrent pas, tant le poison est grand, qu’il ne devint amoureux de quelques Actrices, & ne causât au Roi son père des chagrins très-vifs par ses galanteries avec elles. […] Ce qui met le comble au prodige, elle avoit passé la moitié de sa vie dans les états les plus opposés à la piété & à la grandeur qui ne devoient naturellement la conduire qu’à la frivolité, à la bassesse & au vice ; elle étoit née Protestante, aussi-bien que Montausier, de la famille la plus déclarée contre les Catholiques : d’Aubigné son père se fit enfermer dans une prison de Niord avec sa femme pour ses dérangemens. […] La ville de Paris s’étant chargée de toute la dépense, a cru pouvoir choisir le Directeur de ce grand ouvrage, & a nommé le sieur Monet son Architecte, malheureusement il n’est pas l’Auteur du plan dont l’exécution lui eut assuré l’immortalité ; les sieurs Vailli & Peire qui en sont les pères, réclament leur enfant chéri, & demandent la direction du dessein qu’ils ont enfanté, comme un père est en droit de donner l’éducation à son fils. […] Henri, père du grand Condé dont Lenet fait le plus pompeux éloge, étoit le pendant de Brezé, livré à tous les plaisirs dans sa retraite de Bourges ; il y entretenoit deux excellentes troupes de Comédiens François & Italiens ; le jeu, la bonne chère, les bals, les ballets, &c lui faisoient couler les jours les plus agréables.