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38. (1752) Lettre à Racine « Lettre à Racine —  LETTRE A M. RACINE, Sur le Théatre en général, & sur les Tragédies de son Père en particulier. » pp. 1-75

Bossuet a composé un Ouvrage exprès sur cette question. […] Il discernoit mieux qu’un autre ce qu’elles pouvoient avoir de dangereux, comme ouvrages de Théatre. […] Cette Comédie charmante, dont Moliere faisoit tant de cas, ne sera point mise au nombre des ouvrages dangereux pour les mœurs. […] Et qu’on ne croye pas que par cette préférence d’Ouvrages je veuille m’élever contre la supériorité personnelle de Corneille. […] Vous voyez, Monsieur, où m’a mené le desir de vous arracher un Ouvrage que je vous ai demandé si souvent, & avec tant d’instance.

39. (1761) Lettre à Mlle Cl[airon] « LETTRE A MLLE. CL****, ACTRICE. DE LA COMÉDIE FRANÇOISE. Au sujet d’un Ouvrage écrit pour, la défense du Théâtre. » pp. 3-32

Au sujet d’un Ouvrage écrit pour la défense du Théâtre. […] Examinons les Ouvrages de Monfleury, de Dancourt et de quelques autres que l’on représente tous les jours. […] Vous connaissez mieux que moi les Ouvrages dont je parle, et vous vous rappelez déjà les traits que je trouve condamnables. […] A l’égard des Pièces qu’on devrait représenter, je voudrais que l’on soumît à une exacte censure tous les Ouvrages de Théâtre, tant anciens que modernes. […] Si la Nation se glorifie des beaux Ouvrages de Théâtre que ses Auteurs ont produit, le Recueil des Opéra Comiques doit lui faire honte.

40. (1726) Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat « Projet pour rendre les spectacles plus utiles à l’Etat » pp. 176-194

Mais pour diriger les Poètes eux-mêmes, et leurs ouvrages vers la plus grande utilité publique, je crois qu’il est avantageux, 1°.  […] Il y a longtemps que j’ai observé que nos anciennes pièces de théâtre qui ont le plus réussi il y a 80 ans mériteraient d’être perfectionnées quelque temps après la mort des Auteurs, du moins par rapport aux mœurs, d’un côté la langue change et de l’autre la raison croît et le goût se raffine ; il nous paraît aujourd’hui dans ces pièces des défauts, qui ne paraissaient point à nos pères, gens d’esprit, il y a cinquante ans : or ces pièces ainsi perfectionnées vaudraient ordinairement beaucoup mieux, soit pour le plaisir, soit pour l’utilité de l’auditeur, que les pièces nouvelles, c’est qu’il est bien plus facile au même Auteur de perfectionner un ouvrage qui a déjà plusieurs beautés et d’en faire un excellent que d’en faire un tout neuf qui soit exempt de défauts, et rempli de plus grandes beautés et en plus grand nombre que l’ancien qui était déjà fort bon. […] Il y a un autre grand obstacle à l’exécution de ce projet, c’est que l’Auteur qui serait capable de perfectionner une des plus belles pièces de Molière est capable d’en faire lui-même une nouvelle qui sera bonne, mais moins bonne que celle de Molière perfectionnée, et que pouvant se donner le titre d’inventeur il ne se contentera pas du titre de Perfectionneur, à moins que par une récompense honorable et utile telle que serait un prix proposé, il ne soit dédommagé par une pension du sacrifice qu’il fait au public, de donner son temps et son talent à perfectionner l’ouvrage d’autrui et à préférer ainsi l’utilité publique à sa réputation particulière. […] Cette pièce réformée porterait le nom du Réformateur jusqu’à ce qu’elle fût elle-même un jour réformée quelques années après sa mort ; il est aisé de voir que les ouvrages excellents ne périraient pas faute de quelques retranchements et de quelques additions nécessaires pour les rendre aussi beaux et plus utiles dans le siècle suivant qu’ils l’étaient dans le siècle précédant ; car il faut toujours faire en sorte que les spectacles se perfectionnent à mesure que la raison humaine se perfectionne, et la meilleure manière d’avancer beaucoup en peu de temps vers la perfection, c’est de se servir de ce qu’il y a de bon dans les ouvrages des morts, en diminuant ou corrigeant ce qu’il y a de défectueux, et en embellissant ce qu’il y a de beau. […] Je crois même qu’ils eussent aperçu et qu’ils eussent condamné dans les ouvrages de Molière un grand nombre d’endroits où quelques sentiments de justice et de bienfaisance sont dans la bouche de gens d’ailleurs odieux et méprisables ; je crois qu’ils auraient remarqué et blâmé des sentiments d’injustice dans la bouche de personnes d’ailleurs aimables et estimables et d’autres endroits où l’injustice jointe à l’adresse et à la finesse est louée, et où la vertu et la justice jointe à des défauts personnels est blâmée ou tournée en ridicule ; et voilà pourquoi il faut une compagnie de Censeurs moralistes et politiques qui ait soin de diriger suffisamment le Poète vers le but de l’utilité publique, tandis que son intérêt le dirige suffisamment vers l’agréable, c’est-à-dire, vers son utilité particulière.

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