Il nous est défendu d'être spectateurs des duels, de peur que nous ne devenions complices des meurtres qui s'y font: Nous n'osons pas assister aux autres Spectacles, de peur que nos yeux n'en soient souillés, et que nos oreilles ne soient remplies de vers profanes qu'on y récite; comme lors qu'on décrit les crimes, et les actions tragiques de Thyeste, et qu'on représente Terrée mangeant ses propres enfants; et il ne nous est pas permis d'entendre raconter les adultères des Dieux, et des hommes, que les Comédiens attirés par l'espoir du gain, célèbrent avec le plus d'agrément qu'il leur est possible: Mais Dieu nous garde, nous qui sommes Chrétiens, dans qui la modestie, la tempérance, et la continence doivent reluire, qui regardons comme seul légitime le Mariage avec une seule femme, nous chez qui la chasteté est honorée, qui fuyons l'injustice, qui bannissons le péché, qui exerçons la justice, dans qui la Loi de Dieu règne, qui pratiquons la véritable Religion, que la vérité gouverne, que la grâce garde, que la paix protégé, que la parole divine conduit, que la sagesse enseigne, que Jésus-Christ qui est la véritable vie régit, et que Dieu seul règle par l'empire qu'il a sur nous: Dieu nous garde, dis-je, de penser à de tels crimes, bien loin de les commettre. […] Mais il n'y a rien de plus scandaleux dans tous les Spectacles, que de voir avec quel soin, et avec quel agreement les hommes et les femmes y sont parés; l'expression de leurs sentiments conformes ou différents pour approuver ou pour désapprouver les choses dont ils s'entretiennent, ne sert qu'à exciter dans leurs cœurs des passions déréglées: Enfin nul ne va à la Comédie qu'à dessein de voir, et d'y être vu: Comment un homme se représentera-t-il les exclamations d'un Prophète, en même temps qu'il sent frapper ses oreilles par les cris d'un Acteur de Tragédie ? […] Il n'y a point de Préteur, de Consul, de Questeur, de Pontife, quelque libéralité qu'il déploie, qui vous puisse faire voir ces choses qui vous puisse donner ce plaisir : Néanmoins la Foi vous les représente dès à présent par les Images qu'elle en forme dans vos esprits ; et après cette vie vous verrez ce que l'œil n'a point vu, ce que l'oreille n'a point entendu, et que l'esprit de l'homme n'a jamais conçu.
Je veux que lorsqu’il aura entendu quelque Concert, on lui dise pourquoi tel ton charme l’oreille, et un autre la choque ; comment il se peut faire qu’un Musicien entre cent voix qui frappent en même temps le tambour de son oreille, distingue exactement celle qui a fait un faux ton, lui qui ne sait pas seulement s’il a un tambour dans l’oreille : de même comment il arrive que nous entendons divers sons à la fois ; et que nous soyons agités de diverses passions, qui s’expriment sur notre visage par rapport à tout cela.
On a dit quelque part, que pour bien connoître si un Acteur joue juste, il faudroit se boucher les oreilles. Je crois moi que pour nous conserver de la sensibilité pour le Théâtre, il faudroit fermer les yeux, & n’ouvrir que les oreilles.