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110. (1768) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre douzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et litteraires, sur le théatre. — Chapitre IV.  » pp. 97-128

La Réligion de Léon n’étoit point austere, il s’attiroit le respect (non par des vertus, mais) par des cérémonies pompeuses, ses secretaires sembloient professer la philosophie, sceptique, (ce trait est faux) les comédies de l’Arioste & de Machiavel quoiquelles ne respectent pas la pudeur & la piété, furent souvent jouées dans sa Cour, en sa presence, & celle du sacré Collége, par des jeunes gens des plus qualifiés  ; (on pouvoit ajouter celles du Cardinal Bibiana qui ne valent pas mieux pour les mœurs) Ce qui offençoit la Réligion n’étoit pas apperçu dans une cour occupée d’intrigues & de plaisirs ; les affaires les plus graves ne deroboient rien à ses plaisirs. […] Dans une bataille, tout occupé de l’action & du danger, souvent emporté subitement par un coup de canon, a-t-on de derniere & d’avant derniere pensée ? […] Est-ce le préparer à bien mourir, que de s’occuper volontairement d’un adultere, au moment qui précéde la mort ? […] Luther & les Luthériens trop occupés de dispute & de guerre pendant la vie de Leon X, & de Charles Quint, ne s’occuperent point du théatre, peu connu de leur tems, dans l’Allemagne, & dans tout le Nord. Les Calvinistes ne sont venus qu’après Leon X, & furent aussi occupés de dispute & de guerre.

111. (1767) Réflexions sur le théâtre, vol 6 « Réflexions sur le théâtre, vol 6 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE SIXIÈME. — CHAPITRE V. De la Parure. » pp. 107-137

Henri III pendant vingt années esclave de ses Mignons, livré avec eux à la plus infame débauche, occupé des jeux les plus indécens, & les plus puériles, joua le rôle de l’Actrice la plus dissolue & du plus vil baladin, & plein de l’opinion de sa suffisance méprisoit tous les sages conseils, & plongé dans les plaisirs & l’indolence abandonnoit aux mains les plus méprisables toutes les affaires de ses Etats dans les temps les plus orageux & les plus critiques. […] Le jour & la nuit se passent à rêver aux opérations de la campagne ; toute l’étendue, la subtilité, la fécondité de leur esprit y est épuisée : Alexandre, César, n’étoient pas plus occupés de leurs conquêtes. […] Puisque la barbe & la tête, le poil & les cheveux ont différens artistes, il étoit juste que les deux sexes en eussent aussi, & que chaque tête occupât son maître. […] Qu’est-ce aux yeux de la religion qu’un homme occupé les heures entieres à la toilette d’une femme, & une femme en cet état entre les mains d’un homme ? […] La toilette occupe trop ; le goût, les préparatifs & la jouissance de son triomphe absorbent toute l’attention & tout le temps : Qui altam facit domum quærit ruinosa.

112. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre prémier. — Chapitre III. Origine des Théâtres. » pp. 22-49

L’âme passe plus facilement du plaisant au sérieux, que du triste à l’enjoué ; après que l’homme s’est occupé d’objets amusans, il tombe malgré lui dans des idées affligeantes. […] Les Hébreux occupés à conquérir, à reprendre, à dédaigner, à révérer, à fuir leur Religion, n’ont guères eu le tems de composer des Drames. […] Leur imagination frapée se peignait sans cesse le Calvaire, & toute la Terre-Sainte en proie aux Sarasins : il était donc naturel qu’on se plut à voir en action ce qui occupait tous les esprits.

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