En quoi le Préteur et le Jurisconsulte n'ont jamais prétendu comprendre les Comédiens et les Tragédiens qui n'y sont point nommés, comme il eût été nécessaire dans une si importante occasion ; car on n'imposerait pas une peine d'infamie, par des mots équivoques, et qui ne peuvent être équivalents ; il n'est fait mention que d'un art de bouffonner, qui consistait en deux choses, aux paroles et aux postures ; et l'un et l'autre est ici clairement expliqué par les mots de prononcer et de faire des gestes ; et c'était par là que les Mimes et Bouffons étaient principalement recommandables, en faisant réciter leurs vers avant que danser ou les récitant eux-mêmes, en les dansant, afin que les Spectateurs eussent une plus facile intelligence de leurs postures, comme je l'ai déjà marqué.
Car c’est chose presque ordinaire, qu’en ces Théâtres scéniques, toutes sortes d’allumettes d’impudicité sont débitées, et que les yeux et les oreilles trouvent à s’y occuper en toutes les choses qui donnent de l’achoppement, pour lequel le seigneur commande que19 « si notre œil nous fait chopert nous l’arrachions » ; C’est-à-dire que nous nous priverons de ce qui nous serait autrement aussi cher que la prunelle de l’œil, plutôt que de nous mettre en danger qu’ils nous soient en l’occasion de chute. […] En cette occasion, où le mal ne semble pas si grossier, la subtilité des excuses trouve plus d’apparence, et quelque bien mêlé avec le mal, sert de prétexte, à ceux qui cherchent de quoi flatter leur inclination, endormir leur conscience, et applaudir aux coutumes invétérées, et à l’humeur du vulgaire. […] Mais à cela est aisé de répondre, Premièrement, qu’un mal n’excuse pas l’autre, qu’un plus grand, n’ensevelit pas le moindre ; et que où il est question de deux maux, desquels on doit éviter le plus grand, pour souffrir le plus petit, cela ne s’entend pas des péchés, mais des peines : Car il faut fuir toute occasion de mal faire, publique et particulière. […] Il est permis quelquefois de se réjouir, et de faire bonne chère entre ses amis : Mais encore faut-il prendre garde de ne le faire jamais immodérément ; et quelquefois aux occasions que Dieu nous envoie, de nous soustraire même les légitimes plaisirs. […] Il affirme que les jeux de théâtre (ludi theatrales), même sous le prétexte de l’habitude, ne doivent pas être pratiqués par les clercs dans les églises et il condamne ces spectacles qui ne visent qu’à la dérision et sont parfois pratiqués, à l’occasion de certaines fêtes, par les diacres, sous-diacres et prêtres.
Et vous paroît-il que dans toutes ces occasions, l’Homme soit bien d’accord avec lui-même, ou ne vous semble-t-il pas au contraire, que de la même façon que ses yeux le trompent souvent, & lui font avoir d’un même objet des opinions toutes contraires, il est aussi très-contraire & très-opposé à lui-même dans la plupart des choses qu’il fait ou qui lui arrivent ? […] Et au lieu que vous reteniez en vous ce qui vous excitoit à vouloir faire rire les autres dans la crainte de passer pour bouffon, vous le lachez alors, & lui donnant pleine liberté, vous succombez aux occasions & vous faites insensiblement le Personnage de Farceur. […] Disons la même chose de l’Amour de la Colere, & de toutes les autres Passions de l’Ame qui regardent ou le plaisir ou la douleur, & confessons qu’elle nous surmontent dans toutes les occasions, étant fortifiées en nous par la Poësie, qui au lieu de les secher, les arrose & les nourrit, au lieu de les faire obéir les rend maîtresses, & par-là d’heureux & de vertueux que nous étions, nous rend les plus méchans & les plus malheureux de tous les hommes.