Les Magistrats touchés de pitié pour leurs Concitoyens, envoyèrent aux Oracles, comme on avait accoutumé de faire en de semblables occasions, pour apprendre d'eux les moyens de se délivrer d'une si longue et si cruelle maladie, et les Dieux leur répondirent, « qu'il fallait instituer les Jeux Scéniques en l'honneur de la Déesse Flore ». […] Sur quoi je dirai que les petites pièces de Poésies que Baïf nous a données sous le nom de Mimes, n'ont à mon avis aucun rapport à ceux des Anciens : car elles sont trop longues pour être dansées tout d'une haleine, et les sujets n'en sont pas Historiques, mais Moraux, ne traitant aucune Fable que par occasion, et fort rarement ; de sorte qu'elles ne seraient pas propres à danser, étant bien plus difficile de représenter le sens d'une Moralité, que les actions de quelque Histoire.
Belle chimère, que le théâtre ne vit et ne verra jamais, et qui donnant le change sur le véritable état des choses, fait sentir des gens embarrassés, qui ne veulent que se tirer d’affaires dans une occasion critique où ils n’osent ni blesser la vérité, ni déplaire en la disant nettement. Quant à ce qu’on leur fait dire que le Prince n’a pas le même Evangile à suivre que les particuliers, que l’Eglise d’aujourd’hui n’est pas aussi sévère que celle des premiers siècles sur la condamnation du vice et les occasions du péché, c’est une morale de courtisan que la Sorbonne n’a jamais enseignée et autorisée par ses décisions. […] On n’y trouve que le voyage du Pape à Venise sur les galères du Roi de Sicile, des ambassades, des congrès en divers endroits, des entrevues des deux Puissances avec tous les égards que se doivent les Souverains et les cérémonies usitées en ces occasions, et même des marques mutuelles d’amitié, de respect, de confiance, suites d’une réconciliation sincère, telles que les suites ne permettent pas d’en douter.
Cette pièce a fait tant de bruit dans Paris ; elle a causé un scandale si public, et tous les gens de bien en ont ressenti une si juste douleur, que c’est trahir visiblement la cause de Dieu, de se taire dans une occasion où sa Gloire est ouvertement attaquée, où la Foi est exposée aux insultes d’un Bouffon qui fait commerce de ses Mystères, et qui en prostitue la sainteté : où un Athée foudroyé en apparence, foudroie en effet tous les fondements de la Religion, à la face du Louvre, dans la Maison d’un Prince Chrétien, à la vue de tant de sages Magistrats et si zélés pour les intérêts de Dieu, en dérision de tant de bons Pasteurs, que l’on fait passer pour des Tartuffe, et dont l’on décrie artificieusement la conduite : mais principalement sous le Règne du plus Grand et du plus Religieux Monarque du Monde : cependant que ce généreux Prince occupe tous ses soins à maintenir la Religion, Molière travaille à la détruire : le Roi abat les Temples de l’Hérésie, et Molière élève des Autels à l’Impiété, et autant que la vertu du Prince s’efforce d’établir dans le cœur de ses Sujets le Culte du vrai Dieu par l’exemple de ses actions ; autant l’humeur libertine de Molière tâche d’en ruiner la créance dans leurs esprits, par la licence de ses Ouvrages. […] Le dévot jeûne, pendant que l’hypocrite fait bonne chère, il se donne discipline et mortifie ses sens, pendant que l’autre s’abandonne aux plaisirs, et se plonge dans le vice et la débauche à la faveur des ténèbres : l’homme de bien soutient la Chasteté chancelante, et la relève lorsqu’elle est tombée, au lieu que l’autre dans l’occasion, tâche à la séduire, ou à profiter de sa chute. […] Et cet homme de bien appelle cela corriger les mœurs des hommes en les divertissant, donner des exemples de vertu à la jeunesse, réprimer galamment les vices de son siècle, traiter sérieusement les choses saintes ; et couvre cette belle morale d’un feu de charte, et d’un foudre imaginaire, et aussi ridicule que celui de Jupiter, dont Tertullien raille si agréablement ; et qui bien loin de donner de la crainte aux hommes, ne pouvait pas chasser une mouche ni faire peur à une souris : en effet, ce prétendu foudre apprête un nouveau sujet de risée aux Spectateurs, et n’est qu’une occasion à Molière pour braver en dernier ressort la Justice du Ciel, avec une âme de Valet intéressée, en criant « mes gages, mes gages m » : car voilà le dénouement de la Farce : ce sont les beaux et généreux mouvements qui mettent fin à cette galante Pièce, et je ne vois pas en tout cela, où est l’esprit ?