Ce seroit offenser Dieu doublement d’acquérir des biens par des voies illégitimes, & de les prodiguer pour des objets défendus, favoriser, soutenir le spectacle, entretenir des Acteurs & des Actrices, payer & honorer le vice, & fournir les occasions de péché ? […] Quand vous voyez ces spectacles, quand vous entendez ces airs lascifs, ces scènes amoureuses, quand vous voyez sous ce masque qui déguise les deux sexes, des hommes en femmes, ou des femmes en homme représenter leurs criminelles passions, qui est-ce qui au milieu de tant d’objets voluptueux peut demeurer chaste ? […] C’est une vrai fournaise en effet, dans laquelle le démon vous jette, c’est lui qui en allume les flammes ; ce n’est pas, comme les tyrans, du bitume, de la poix, des étoupes qu’il y emploie, mais des alimens plus combustibles & plus funestes, des ris dissolus, des discours obscènes, des airs lascifs, des objets indécens, des femmes immodestes, Les premiers feux étoient allumés par des mains barbares, & ceux-ci le sont par de mauvaises pensées, des désirs criminels. […] Je vous parle comme on parleroit à un aveugle débauché, peu touché & peu capable de l’être des grands objets de la religion, du paradis, de l’enfer, & qu’il faut tâcher de prendre par les motifs humains d’un intérêt temporel. […] Chrysostome n’a presque laissé que des sermons à un peuple livré au théatre & à la débauche, & tout ramène à cet objet, parce que le théatre influe sur tout par les passions de toute espèce qu’il représente & qu’il excite, & que tout à son tour influe sur le théatre par la nécessité où il est pour plaire de se conformer au goût dominant, & de flatter les vices du siecle, par conséquent d’en prendre les sentimens, les erreurs & les modes.
Voudrait-on que ce goût si naturel fût un penchant vicieux ; & l’objet qui le satisfait, sera-t-il un amusement coupable ? […] Cette raison suffirait, indépendamment des autres, pour prouver l’utilité des Spectacles, c’est un objet important, noble, relevé, digne de toute l’attention du Gouvernement, de chercher à satisfaire le peuple, en lui procurant des délassemens honnêtes. […] Dans ces trois Pièces, le jeune-homme ne voit que des objets séduisans ; il n’entend que des maximes libres ou mondaines ; on allume la volupté dans ses sens, l’on parle à son cœur un langage passionné ; mais il n’y trouve pas un petit mot dont il puisse profiter. […] Oui, peut-on dire avec monsieur Rousseau, pourvu que le peuple s’amuse, l’objet des Spectacles est assez rempli . Que sera-ce, si cet objet n’est pas le seul ?
SIRE, Il est bien juste que tandis que VOSTRE MAIESTÉ va s’exposer sur la Frontiere pour nostre repos, nous employons dans nos Cabinets toute cette tranquillité pour sa gloire : Que faisant une partie de l’objet de ces fatigues, nous prenions soin de ses delassemens ; & que pour tant & de si glorieuses peines, nous luy preparions quelques plaisirs. […] Mais quelque aplication qu’Elle ait à des objets plus solides, Elle peut bien se permetre ces relâches ; & Elle ne sçauroit mieux passer ce peu d’heures qu’elle cesse de vaincre, qu’à ces Spectacles, oû elle verra triompher.