« Il s’ensuit de ces premières observations, que l’effet général du Spectacle est de renforcer le caractère national, d’augmenter les inclinations naturelles, et de donner une nouvelle énergie à toutes les passions. […] C’est ainsi que la modestie naturelle au sexe est peu à peu disparue, et que les mœurs des vivandières se sont transmises aux femmes de qualité. […] La pudeur ou timidité naturelle, qui naît de la délicatesse des organes, n’est point trouvée ridicule ; mais peut-être la loi qui la met en précepte, qui en donne des règles, et qui honore et déshonore les femmes pour le même acte. […] J’ignore cette dignité conjugale, qui m’empêche de me faire du bien en me divertissant : je ne connais de dignité naturelle que la dignité paternelle, et je danse encore sans croire blesser celle-ci, tout comme ses chers Spartiates, dont il nous donne lui-même les fêtes pour modèle.
On y voit une Veuve si sage et si réservée quitter ses modestes habits, ajouter à sa beauté naturelle tout ce que l’artifice et l’orgueil mondain peut inventer de pompeux et de charmant pour surprendre et pour séduire, aller au Camp des ennemis avec cet équipage, exposer sa vertu à la brutalité d’un vainqueur barbare, l’attendrir par le langage le plus engageant, et le plus flatteur. […] Je ne dirai rien de l’Episode de Misaël, il a paru si naturel et a été si heureux que ce serait me rendre indigne de l’approbation qu’il a eue, si je voulais la justifier.
Si l’on en ôtait tout ce qu’elle offre de vicieux, il n’y aurait plus de spectateurs30. » Ainsi pensait un Païen, éclairé des seules lumières de la raison naturelle. […] Il ne faut que peser leurs termes, et les prendre dans le sens le plus naturel, pour y reconnaître toute la force du précepte. […] La Comédie ne serait donc nécessaire qu’à ceux qui se divertissent toujours, et qui tâchent de remédier au dégoût naturel qu’entraîne la continuation des plaisirs. […] « Ce qui établit la prétendue nécessité des Spectacles, n’est point la bonne conscience qui éteint le goût des plaisirs frivoles : c’est le mécontentement de soi-même ; c’est le poids de l’oisiveté ; c’est l’oubli des goûts simples et naturels.. […] On y présente l’amour comme le règne des femmes : c’est pourquoi l’effet naturel de ces pièces est d’étendre l’empire du sexe, et de donner des femmes pour les précepteurs du public… » « La même cause qui donne sur le Théâtre, l’ascendant aux femmes sur les hommes, le donne encore aux jeunes gens sur les vieillards ; et c’est un autre renversement des rapports naturels, qui n’est pas moins répréhensible.