En peignant les passions d’autrui, les auteurs dramatiques émeuvent tellement notre âme qu’ils font naître les nôtres, qu’ils les nourrissent, qu’ils les échauffent et qu’ils les rallument même lorsqu’elles sont éteintes. […] Voilà pourquoi la morale du théâtre n’est qu’un amas de fausses opinions qui naissent de la concupiscence, et qui ne plaisent qu’autant qu’elles flattent les inclinations corrompues des spectateurs.
Or la passion d’amour la plus pure peut perdre sur le Théâtre toute son innocence, en faisant naître des idées corrompues, même dans l’esprit du Spectateur le plus indifférent. […] Et que sait-on si cette circonstance ne réveillerait pas, dans son cœur, des sentiments qui ne sont peut-être qu’assoupis, ou dont les germes, que tout homme bien né porte au dedans de lui-même, sont toujours prêts à éclore à la moindre occasion ?
Sans parler des secours du spectacle et de la Musique ; ils sont maîtres des sources d’où naissent les pensées et les mouvements convenables à ce genre d’écrire : ils ont l’invention, l’éloquence, l’expression, avantages merveilleux et propres à faire d’heureuses impressions, s’ils étaient bien employés : car la force d’enlever les esprits, et le pouvoir de remuer les cœurs, ne deviennent des talents dignes d’éloges que par le bon usage L’Anglais dit : Sont comme un canon dont on s’est saisi etc.