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72. (1774) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre seizieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre VI. Suites des diversites curieuses. » pp. 138-172

Ce théatre, toujours rival du théatre François, même de l’opéra, quoique le goût soit tres-différent, parodie & ridiculise presque toutes leurs pieces, & même la musique qu’il a burlesquement contrefaite. […] Tout Opéra est dans ce goût, puisque la musique est adaptée aux paroles, ainsi que les gestes & les mouvemens des acteurs. […] Ils avoient leurs instrumens de musique, leurs chansons galantes, leurs danses lascives, leurs pantomimes licencieuses, leurs gestes obscenes, leurs parures indécentes, Qu’a-t-on de plus du Japon, en Suede ? […] Ce n’étoit point un Souffleur qui aidât une mémémoire chancelante, un maître de musique qui battît la mesure à l’orchestre, mais un habile Acteur qui servoit de modele & de guide. […] On ne connoissoit que très imparfaitement les différentes parties de la musique, pour former des consonnances & une harmonie réglée, ni les regards, les vis-à-vis de la danse pour faire la symmétrie des pas & des figures ; tout se réduisoit à l’unisson.

73. (1694) Décision faite en Sorbonne touchant la Comédie, avec une réfutation des Sentiments relachés d’un nouveau Théologien, sur le même sujet « Décision faite en Sorbonne touchant la Comédie. » pp. 1-132

Saint Basile au commencement de son Homélie quatrième sur l’Hexaméron, parle des chants de Musique, dont on se servait dans les Spectacles qu’il dit être fort dangereux29. « Ils vont, dit-il, avec tant d’ardeur écouter certaines chansons qui ne respirent que la mollesse, et qui ne tendent qu’à corrompre les mœurs, et qui font naître dans l’esprit des auditeurs, déjà assez effrénés d’eux-mêmes, toute sorte d’impudicités ; de telle manière qu’ils ne peuvent jamais se rassasier de ces chansons. […] Et dans un autre endroit, savoir dans son Homélie 24 touchant la lecture des livres des Païens, vers la fin il dit : que pour conserver la pureté de son âme il faut éviter le plaisir des sens, qu’il faut fuir à cette fin les Spectacles et la musique que l’on y chante qui n’est propre qu’à corrompre l’âme, et à irriter les passions31. « Il ne faut point, dit-il, être curieux de voir ces Spectacles, et les vaines représentations de ces Charlatans, il ne faut point non plus prêter l’oreille à ces airs qui ne tendent qu’à corrompre l’âme : car cette espèce de musique ne porte point ordinairement d’autre fruit que l’esclavage et la dégradation de l’âme, outre cela elle irrite les passions ; et il conclut en disant : nous avons une autre musique bien meilleure que celle-là, et qui nous porte à nous attacher à des choses bien plus excellentes. […]  » Dans le Concile de Tours troisième de l’année 813, Canon 750. « Les Ecclésiastiques doivent s’abstenir de tous les attraits qui flattent les oreilles et les yeux, et qui en les flattant amollissent la vigueur de l’âme, ce que l’on peut ressentir dans de certains airs de musique et dans quelques autres choses; ils doivent s’en abstenir, parce que par les charmes des oreilles et des yeux le vice entre dans l’âme. […] A la troisième demande, on répond que l’Opéra est d’autant plus dangereux, qu’à la faveur de la Musique dont les tons sont recherchés et disposés exprès pour toucher, l’âme est bien plus susceptible des passions qu’on y veut exciter, et particulièrement de celle de l’amour, qui est le sujet le plus ordinaire de cette sorte de Comédie. L’on peut voir ce que l’on a rapporté ci-devant de saint Basile, de saint Chrysostome et des autres touchant la Musique des Théâtres, pour être convaincu qu’il n’y a rien de si propre pour corrompre le cœur que ces airs languissants et tendres d’une Musique accommodée à des paroles capables par elles-mêmes d’émouvoir beaucoup, et qui est soutenue de gestes et de mouvements convenables à ce dessein ; de sorte que l’on peut appliquer ici ce que saint Basile a dit de la différence qu’il y a d’une Musique honnête, qui n’est capable que d’exciter dans l’âme les mouvements d’un plaisir réglé, pour conserver ou rétablir le juste tempérament où les puissances de l’âme doivent être, d’avec celle des Théâtres. « Il y a, dit ce Père107 , une si grande différence entre une Musique honnête et celle qui ne l’est pas, que cela vous doit exciter à fuir celle qui est maintenant en usage avec autant de précaution que vous fuiriez une chose très honteuse ».

74. (1769) De l’Art du Théâtre en général. Tome I « De l’Art du Théatre. Livre quatriéme. — Chapitre VIII. Du Stile. » pp. 287-319

L’amour éxcessif que nous ressentons pour la Musique Italienne, est la raison qui nous rend enthousiasmés de la Comédie-mêlée-d’Ariettes, quoiqu’elle soit souvent trop faiblement écrite. La Musique qui jadis, si nous ajoutons foi aux discours des Anciens, enfanta de si grandes merveilles, dont les accords enchanteurs fesaient mouvoir les arbres & les rochers, nous rend témoins de nouveaux prodiges ; elle nous force à chérir des Drames tout-à-fait mal écrits, malgré notre amour pour les beautés du stile. Voilà quels sont les éffets admirables de la Musique ; elle a rendu le Spectacle moderne capable de nous charmer, & de tourner les têtes les plus graves. […] Je cite plus volontiers des morceaux de Musique, parce que les Ariettes & les Romances du Spectacle moderne sont dans la bouche de tout le monde : il est singulier qu’on les applaudisse, qu’on les entende au Théâtre, & qu’on les chante à tout moment, sans s’apperçevoir qu’on n’y comprend rien, & qu’elles ne sont remplies que de galimatias ou de mots vuide de sens : qu’on fasse attention à cette Ariette.

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