Mais pardonnons-lui cette méprise, et arrêtons-nous à la réponse qu’il donne lui-même, laquelle est proprement le dénouement de sa Pièce, et le moyen par où il prétend concilier les Scolastiques modernes avec les Conciles, et les anciens Pères sur le fait de la Comédie. […] Il y a apparence aussi que notre Docteur se défie de l’efficacité des preuves qu’il a apportées jusqu’à présent pour justifier la Comédie ; il en appelle à soi-même, et il emploie son autorité comme un surtout, et comme un supplément à tous les moyens dont il s’est servi. […] Quant au jugement qu’il porte en faveur de la Comédie, comme il nous avertit qu’il ne doit pas passer pour décisif, nous nous le tiendrons pour dit, et nous lui promettons de n’y avoir pas plus d’égard que de raison : écoutons cependant les trois moyens dont il s’est servi pour former ce jugement. […] Le Docteur poursuit de broder le premier moyen de sa persuasion, par une réflexion tout à fait indiscrète, et qu’il croit néanmoins fort judicieuse. […] « Je n’ai jamais pu, dit-il, par leur moyen entrevoir cette prétendue malignité de la Comédie : car si elle était la source de tant de crimes, il s’ensuivrait qu’il n’y aurait que les riches et ceux qui ont le moyen d’y aller qui fussent les plus grands pécheurs ; et nous voyons cependant que cela bien égal, et que les pauvres qui ne savent pas ce que c’est que la Comédie, ne tombent pas moins dans les crimes de colère, d’impureté et d’ambition : j’aime donc mieux conclure avec plus de vraisemblance, que ces péchés sont des effets de la malice ou de la faiblesse humaine, qui de toutes sortes d’objets indifféremment prennent occasion de pécher. » On ne se serait point douté que notre Docteur fît le métier de confesser, s’il n’en avait averti ; car ce métier est un peu sérieux pour un Docteur de Théâtre : il nous assure cependant que c’est là un des moyens dont il s’est servi pour s’endoctriner sur le fait de la Comédie.
Non seulement la religion n’entre pour rien dans toute la piece, quoiqu’elle soit le vrai, l’unique moyen de réconcilier sincèrement des époux & de les rendre fideles, mais on semble l’exclure, on n’emploie que des moyens humains, on ne montre que des personnes mondaines. […] Jamais par ces moyens & dans ce tourbillon de monde on ne trouvera les sentimens vertueux qu’on prête à l’héroïne, & on n’obtiendra le parfait retour des maris. […] On trouve pourtant moyen de les concilier. […] Il a tombé du ciel je ne sais quel homme venu de Naples, qui reconnoît je ne sais quelle fille perdue dans un naufrage, livrée au hasard à je ne sais qui, reconnue dans l’instant, sans autre perquisition, au moyen d’un rubis & d’un brasselet qu’elle porte : Deus in machina.
Puisque le théatre est le moyen le plus efficace pour inspirer & satisfaire la passion, un des principaux moyens d’y remédier est de le fuir. […] Enfin Plaute dans sa Cistellaria (Scen. 1.) demandant à une Courtisanne comment elle avoit été déshonorée, lui fait répondre fort naturellement : C’est par le moyen du spectacle : ma mere m’y mena, un jeune homme s’y trouva près de moi, il me plut, me flatta, il m’eut bien-tôt séduite ; l’entrée de mon cœur étoit alors facile : Quo pacto insinuavit se ad te ? […] Les Princes les plus débauchés en faisoient leurs délices, & les femmes se servoient de ce moyen pour les amollir de plus en plus. […] Le moyen usité de préserver le cœur des pieges de l’amour, c’est d’élever les filles dans la plus rafinée coquetterie.