me pardonnera-t-on d’oser, moi, ver de terre, signaler aussi comme moyen puissant d’accélérer et de combler les désordres, un genre de composition regardé bientôt par tout le monde comme un excellent moyen de les arrêter, et de désigner pour le plus répréhensible un ouvrage fameux du xviie siècle auquel on croit avoir la plus grande obligation ? […] Soyez mes juges, hommes de bien, observateurs sages qui, étrangers aux exagérations passionnées des partis, voyez mieux les véritables causes de ce débordement, et osez avouer à vos antagonistes la perversité, toutes les perfidies, les criminelles extravagances de vos contemporains, en les voyant habituellement se trahir, se persécuter les uns les autres, commettre toutes les espèces d’injustices et d’excès, chercher le bonheur en détruisant ce qui en est le principe, acquérir des richesses, obtenir des places en donnant l’exemple contagieux et funeste du mépris des vertus et des lois qui en sont la garantie ; biens empoisonnés dont ils ne doivent pas jouir en paix, dont les enfants seront un jour dépouillés par les mêmes moyens odieux que les parents ont pratiqués et propagés avec aussi peu de retenue que si la fin de leur vie devait être la fin de tout ce qui les intéresse. […] faites-vous de bonnes œuvres impunément, vous acquittez-vous exactement des devoirs de votre état et de votre religion, ou les recommandez-vous sans être taxés d’hypocrisie, soupçonnés d’être fourbes et de vouloir en imposer par ce moyen ? […] La violence ou l’énergie déplacée, les contre-temps, les doubles ententes, le vague, les traits envenimés, les tableaux et les tours ingénieux, les attraits licencieux, l’éclat, la coquetterie, si je puis parler ainsi, en un mot, l’art séduisant des critiques du théâtre dont la malignité est en effet le moyen ordinaire, souvent le principe, depuis long-temps a produit cet effet, en attirant et captivant la foule qu’il a agitée à l’excès et égarée. […] Associés probes, amis sincères, honnêtes pères de famille, veuves et orphelins, comme vous bonnes gens sans instruction et sans prévoyance, qui gémissez sur tous les points de la terre civilisée, où vous avez été outragés, trompés, dépouillés impitoyablement par toutes sortes d’oppresseurs rusés qui jouissent sans remords de vos dépouilles en présence de vos misères, vous prouvez à l’observateur, même favorisé de la fortune, mais non égoïste, que la civilisation, par les moyens combattus qui l’ont opérée, a moins adouci les mœurs qu’elle n’a rafiné, subtilisé les vices de la barbarie.
Résumé et moyens de réformation. […] Concluez donc avec moi qu’il faut que l’envie ou le besoin de rire ait bien du pouvoir sur les hommes pour les porter si obstinément, malgré l’épreuve du contraire qui les accable, à regarder comme propre à corriger les mœurs le moyen le plus puissant de tourner toutes les vertus en ridicule, de tout corrompre ! […] Après cet acte de justice que je regarde comme devant être le premier moyen de la réformation, un second et excellent moyen, qui a déjà été provoqué, serait l’épuration des répertoires des théâtres. […] Par ce moyen on mettrait aussi un frein à la malignité, on esquiverait les bons offices des agents de la troisième école, et l’on pourrait critiquer ou satiriser avec fruit. […] Oui, un épisode, une scène, et même une simple citation, un trait lancé à-propos, en un mot, un coup de plume suffira souvent pour porter ces arrêts imposants dont la sévérité pourra par ce moyen se graduer sur la gravité des délits ou des défauts, ce que les Athéniens ont trop négligé, etc., etc.
Lettre à Monsieur Rousseau sur l'effet moral des théâtres, ou sur les moyens de purger les passions, employés par les Poètes dramatiques. […] Les Poètes dramatiques ont-ils trouvé des moyens de purger les passions ? […] Je vais prouver que ces moyens ont été employés, et le prouver aussi par des faits. […] Et si la Poésie dramatique fait tant de ravages par les moyens qu’elle emploie quelquefois, comment de moyens contraires, employés par le même génie, ne pourrait-il résulter aucun bien ? […] Et l’Auteur n’a-t-il pas, sans lui, trouvé les moyens de toucher et de plaire ?