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357. (1700) IV. Sermon des spectacles, comedies, bals, etc. [Sermons sur tous les sujets de la morale chrétienne. Cinquiéme partie] « IV. Sermon des spectacles, comedies, bals, &c. » pp. 95-126

Je suis même d’accord qu’on a épuré le Theâtre de toutes les obscenitez, qui vont à corrompre les mœurs, que l’on a soin dans les bals & dans les danses, que l’immodestie, & les libertez scandaleuses en soient bannies ; que les paroles, les gestes, les actions ne blessent point ouvertement la bienseance & la pudeur, quoyque je ne tombe pas d’accord que toutes ces regles y soient toûjours si exactement observées. […] Non, me direz-vous, car la précaution que vous avez prise, vous ôte tout sujet de croire, que ce soit une occasion prochaine, ou bien un danger évident ; puisque ces spectacles sont tout autres que ceux des Anciens ; qu’on ne peut souffrir qu’on y represente le vice avec cette impudence, qui faisoit rougir alors les personnes qui avoient quelque teste de pudeur ; que dans les comedies mêmes les plus boufonnes, ou les plus enjoüées, on n’y peut supporter les paroles libres & équivoques ; que l’effronterie & l’immodestie ne se souffrent point dans les bals & dans les assemblées, & quoyque ces assemblées soient composées de personnes de different sexe, il est rare qu’on y voye rien qui soit ouvertement contre la bienseance ; & pour ce qui est des comedies, contre lesquelles les personnes zelées se déclarent le plus hautement, ne donne-t-on pas cette loüange à nôtre siecle, d’avoir purgé le Theâtre, de tout ce qui pourroit soüiller l’imagination, soit dans les paroles, soit dans les actions, soit même dans les sujets que l’on accommode au goût & aux mœurs de ce temps ? […] Nous sommes, à la verité, dans un siecle, où l’on garde des mesures de bienseance plus que jamais ; jamais les dehors ni les apparences de la vertu & de la probité n’ont été menagez avec plus de soin ; & comme l’on apporte toutes les précautions que l’on peut, pour conserver sa reputation, on témoigne de l’indignation contre les vices grossiers, & contre tout ce qui choque l’honnêteté ; mais comme les mœurs sont aussi corrompuës qu’elles l’ont jamais été, cette horreur que l’on marque pour tout ce qui blesse la pudeur, ou qui enseigne ouvertement le crime, est plûtost un effet de la politesse du siecle, que de sa probité ; de maniere que les spectacles de ce temps sont d’autant plus dangereux, que le mal y est plus caché, & plus subtilement déguisé. […] Ce qui fait que l’employ de ceux qui les representent, a toûjours été flétri de quelque marque d’infamie par toutes les loys, comme n’étant propre qu’à corrompre les mœurs.

358. (1773) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre quinzieme « Réflexions morales, politiques, historiques, et littéraires, sur le théatre. — Chapitre III. Aveux importans. » pp. 83-110

Molière ne traite guère mieux la dévotion, la Religion, c’est un amas bisarre & impie d’irréligion & de piété, de morale & libertinage, parce que dans la vérité il n’y a ni mœurs ni religion : tout est sacrifié au plaisir, tout est employé pour amuser & pour plaire, & on n’y plaît qu’à mesure qu’on sacrifie tout ce qui est contraire au plaisir. […] Moliere lâcha quelque trait contre lui dans ses précieuses ; tout cela n’aboutit qu’à lui faire quitter le monde, il l’aimoit alors, il fréquentoit le théatre comme tout l’hôtel de Rambouillet, mais quoiqu’amateur, poëte, homme du monde, galant, il composa ce sonet où il semble d’abord se justifier, parce que c’étoit les beaux jours de Corneille, qui bien plus décent que ses prédécesseurs en avoit banni la licence, mais malgré cette réforme il reconnoît l’inutilité de ses leçons & son danger pour les mœurs. […] Mais dans cette leçon si pompeuse & si vaine, Le profit est douteux, & la perte certaine ; Ce remède y plaît moins que n’y fait le poison, Elle peut réformer un esprit idolâtre, Mais pour changer les mœurs & régler la raison, Les Chrétiens ont l’Église & non pas le théatre. […] Son style plut de son temps, comme Regnier, Rabelais qui valoient mieux que lui, quoiqu’aussi pervers pour les mœurs.

359. (1738) Sentimens de Monseigneur Jean Joseph Languet Evéque de Soissons, et de quelques autres Savans et Pieux Ecrivains de la Compagnie de Jesus, sur le faux bonheur et la vanité des plaisirs mondains. Premiere partie « Sentimens de quelques ecrivains De la Compagnie de Jesus, Touchant les Bals & Comedies. Premiere Partie. — Entretien troisieme. Le danger des Bals & Comedies découvert par l’Auteur des Sermons sur tous les sujets de la morale Chrétienne de la Compagnie de Jesus. » pp. 26-56

Je suis même d’accord qu’on a épuré le Theâtre de toutes les obscenitez, qui vont à corrompre les mœurs, que l’on a soin dans les bals & dans les danses, que l’immodestie, & les libertez scandaleuses en soient bannies ; que les paroles, les gestes, les actions ne blessent point ouvertement la bienseance & la pudeur, quoique je ne tombe pas d’accord que toutes ces regles y soient toûjours si exactement observées. […] Non, me direz-vous, car la précaution que vous avez prise, vous ôte tout sujet de croire, que ce soit une occasion prochaine, ou bien un danger évident ; puisque ces spectacles sont tout autres que ceux des Anciens ; qu’on ne peut souffrir qu’on y represente le vice avec cette impudence, qui faisoit rougir alors les personnes qui avoient quelque reste de pudeur ; que dans les comedies mêmes les plus boufonnes, ou les plus enjoüées, on n’y peut supporter les paroles libres & équivoques ; que l’effronterie & l’immodestie ne se souffrent pas dans les bals & dans les assemblêes, & quoyque ces assemblées soient composées de personnes de different sexe, il est rare qu’on y voye rien qui soit ouvertement contre la bienseance ; & pour ce qui est des comedies, contre lesquelles les personnes zelées se déclarent le plus hautement, ne donne-t-on pas cette loüange à nôtre siecle, d’avoir purgé le Theâtre, de tout ce qui pourroit soüiller l’imagination, soit dans les paroles, soit dans les actions, soit même dans les sujets que l’on accommode au goût & aux mœurs de ce tems ? […] Nous sommes, à la verité, dans un siecle, où l’on garde des mesures de bienseance plus que jamais ; jamais les dehors ni les apparences de la vertu & de la probité n’ont été menagez avec plus de soin ; & comme l’on apporte toutes les précautions que l’on peut, pour conserver sa reputation, on témoigne de l’indignation contre les vices grossiers, & contre tout ce qui choque l’honnêteté ; mais comme les mœurs sont aussi corrompuës qu’elles l’ont jamais été, cette horreur que l’on marque pour tout ce qui blesse la pudeur, ou qui enseigne ouvertement le crime, est plûtost un effet de la politesse du siecle, que de sa probité ; de maniere que les spectacles de ce tems sont d’autant plus dangereux, que le mal y est plus caché, & plus subtilement déguisé. […] Ce qui fait que l’employ de ceux qui les representent, a toûjours été flétri de quelque marque d’infamie par toutes les loys, comme n’étant propre qu’a corrompre les mœurs.

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