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10. (1789) La liberté du théâtre pp. 1-45

Ainsi, le moindre ami du Prince, un Valet-de-chambre, une Courtisane en faveur, la Maîtresse d’un Ministre ou d’un premier Commis, persécutoit insolemment la Philosophie, ou la protégeoit plus insolemment. […] On sait qu’il ne faut point accuser Dieu des fautes de ses Ministres ; & l’on sait qu’un Ministre de Dieu peut être coupable. […] Ministres, Commis, Censeurs-Royaux, Agens ou Partisans du despotisme, écoutez. […] Ils vous ont fait presque autant de bien, que vos Rois, vos Ministres & votre Clergé vous ont fait de mal. […] Et quel homme confondra jamais la considération passagère d’un Ministre toujours flatté durant son ministère, avec la considération d’un Racine, d’un Fénélon, d’un Voltaire, où d’un Montesquieu.

11. (1759) Lettre d’un professeur en théologie pp. 3-20

Je les adopte avec vous ; & je voudrois que vous les eussiez suivies dans le jugement que vous avez porté de Messieurs les Ministres de Genève, & de la Religion Protestante en général. […] Rousseau,1 vous tâchez non seulement de justifier l’imputation que vous avez faite aux Théologiens de Genève, en les accusant de ne plus croire ni à la Divinité de Jésus-Christ, ni à l’éternité des peines de l’Enfer ; mais vous rendez ensuite la proposition générale, en disant que ces sentimens sont une suite nécessaire des principes de la Religion Protestante : que, si les Ministres ne jugent pas à propos de les adopter ou de les avouer aujourd’hui, la Logique que vous leur connoissez doit naturellement les y conduire, ou les laisser à moitié chemin. […] Mais, si vous vous plaignez des 3 reproches d’impiété dont souvent on charge les Philosophes mal à propos, en leur attribuant des sentimens qu’ils n’ont pas, en donnant à leurs paroles des interprétations forcées, en tirant de leurs principes des conséquences odieuses qu’ils désavouent ; Mrs les Ministres de Genève, & plus encore les Protestans en général, ne sont-ils pas en droit de vous adresser les mêmes plaintes ? […] Ce qui m’intéresse plus particulièrement, & la seule chose qui m’a mis la plume à la main, c’est le procès que vous intentez à la Religion Protestante en général, en assurant que la logique que vous connoissez à ses Ministres les conduit naturellement au Socinianisme.

12. (1775) Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. Livre dix-septieme « Réflexions morales, politiques, historiques et littéraires sur le théatre. — Chapitre III. Théatre de Pologne. » pp. 80-105

Le ministre qui y réside de la part de l’Impératrice de Russie, son plus grand ennemi, a donné cette fête sous les yeux de la Cour, & le Roi lui-même a eu la foiblesse d’y prendre part. […] Ensuite le Roi fit l’ouverture du bal avec la femme du ministre russe, où se trouverent 2000 masques ; on dansa jusqu’à six heures du matin. […] Son ministre cependant ne s’y trouva pas : il en avoit honte. […] Dans le même-temps le Nouveau Monde jouoit une autre scène à Philadelphie : on promenoit sur des tombéreau les effigies du gouvernement de la province & d’un ministre d’Etat, en la personne d’un receveur de la Douane, qu’on avoit pris, gaudronné & couvert de plumes depuis la tête jusques pieds. […] Si l’on eut vu à Londres la sale de Westminster déserte, & les jardins du Milord regorger de monde, de troupes d’acteurs, chanteurs, danseurs, courant dans les allées, le financier gaudronné, le gouverneur & le ministre de paille troînés dans des tombereaux, c’eût été le plus rare spectacle.

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