Ce foible avantage est balancé par une multitude de fausses maximes qui n’ont pas peu contribué au déreglement de son siécle & du nôtre ; l’indulgence des parens à souffrir les galanteries d’une fille, la scandaleuse liberté que les maris accordent à leurs épouses, sont un fruit des Œuvres de Moliere. […] Quelles maximes dans l’Ecole des Femmes, dans les Femmes Sçavantes ! […] Ces maximes étant supposées, j’avance hardiment que le Théâtre ne s’est point corrigé, dans l’ordre des bonnes mœurs, les paroles qui nous paroissent indécentes aujourd’hui, n’étoient point telles il y a deux cens ans.
Les compositions étaient soumises à l’archonte ; il en réglait toutes les parties, il rejetait ce qui pouvait nuire à la morale publique ; le peuple n’entendait au théâtre que de saines maximes qui l’excitaient aux vertus, au respect des dieux et des lois. […] Molière, employé à la cour, vivait parmi des courtisans accoutumés à cette maxime consacrée dans les palais des rois : Pas de bruit si je n’en fais. Cette maxime ne pouvant tolérer la brusque franchise d’Alceste, et n’admettant que la souplesse de Philinte, l’honnête homme fut sacrifié ; Rousseau le lui reproche dans sa Lettre à d’Alembert sur les théâtres . […] L’intrigue est une suite d’efforts des deux personnages à se tromper, s’intimider, se tuer ; d’où la jeunesse peut retirer d’épouvantables leçons de mensonge, de fourberie, et des maximes qui peuvent justifier le poignard ou le poison dans les rivalités d’amour, de vanité, ou d’intérêt, et enfin pour dernier tableau elle entend un fils maudire sa mère. […] Si en développant aux yeux du peuple les suites funestes des passions, on ne l’en garantit pas par de saines maximes ; si en lui dévoilant le crime on ne l’exalte pas pour la vertu, la scène devient nécessairement vicieuse et corruptrice.
Oserait-on débiter une maxime si contraire à la foi et au bon sens ? C’est cependant la maxime qu’on suit aujourd’hui dans le monde ? […] Et en quelle part de l’Evangile trouve-t-on qu’il y ait des jours dans l’année où le précepte de se mortifier, d’éviter les dangers, de vivre en Chrétien, de mener une vie pure et exemplaire, et d’avoir les maximes du monde en horreur, oblige moins qu’en un autre temps ? […] Alors on avouera que les maximes du monde étaient contraires à la véritable sagesse et au bon sens ; et que ces joies n’étaient pas plus permises en carnaval qu’en Carême.