Voilà donc notre Tragédie devenue plus morale, & cependant, je suis forcé de l’avouer, plus dangereuse que celles où l’Amour donnoit de mauvais exemples.
En montrant combien il est dangereux, ils ont fait voir pourquoi il est agréable, parce qu’en effet ce qui en fait le plaisir est ce qui en fait le danger ; & qu’on peut dire presque toujours, que la meilleure Piece en un sens est en un autre sens la plus mauvaise. […] Il y a peu de cœurs absolument mauvais, comme il y en a peu d’absolument bons ; un homme qui n’auroit que des vices sans aucune trace de vertu, seroit une espece de monstre dans la nature ; un homme qui n’auroit que des vertus, sans aucune ombre de défauts, seroit un véritable prodige ; mais le monstre & le prodige sont également rares, ou plutôt on n’en trouve jamais de semblables dans le monde ; on remarque dans tous les hommes un mêlange de bien & de mal, une inclination naturelle pour l’ordre, une pente encore plus forte pour le désordre : ceux mêmes qui s’y laissent le plus entraîner, ne le font pas toujours, & à l’égard de toutes sortes d’objets : ils ont des intervalles de lumiere & de raison, pendant lesquels ils ne sont pas insensibles aux attraits de la Vertu.
D’ailleurs pour justifier la Cour de Rome du luxe, de la dissipation, des mauvaises mœurs dont on l’accusoit, il dit, 1°.