C’est par ce Passage d’un Ecrivain si grave, qu’on croit découvrir l’origine d’un Acteur, qui portant le nom bizarre d’Arlequin, est couvert d’un habit qui n’a aucun rapport à l’habit d’aucune Nation, & est un mélange de morceaux de drap, de différentes couleurs, coupés en triangles ; Baladin qui porte un petit chapeau sur une tête rasée, un masque dont le nez est écrasé, &, comme le Planipes des Romains, a des souliers sans talons ; Acteur principal d’un Spectacle dont le langage est aussi bigarré que son habit, puisque les Acteurs y doivent parler différens idiomes, le Vénitien, le Boulonnois, le Bergamasche, le Florentin ; Mime dans son jeu comme dans son habit, puisque le Mime (comme on le voit dans un Passage d’Apulée) étoit vétu centuncuculo d’un habit de piéces & de morceaux, Personnage qui est toujours prêt à recevoir des soufflets, suivant un Passage du Traité de Tertulien sur les Spectacles, faciem suam contumeliis alaparum objicit. […] Saverio nous apprend que le masque de cet Acteur est semblable à un masque antique, qu’on conserve dans l’Italie, & dont on voit la figure dans Ficoronius de larvis scenicis.
Il n'y a pas jusqu'aux estampes du théâtre, jusqu'aux symboles dont il se fait honneur, par lesquels il se caractérise, qui n'arborent la folie : ces masques, ces cornes, ces habits bigarrés, ces épées de bois, ces attitudes, ces agitations, ces parures, ces décorations bizarres, ces coups de théâtre, etc. il semble qu'on soit dans le délire (on n'y est que trop en effet). […] Qui oserait faire l'apologie d'une joie indécente qui blesse la délicatesse de la pureté, je ne dis pas d'une manière grossière, que les premières lois de la politesse interdisent aux honnêtes gens, mais encore par ces obscénités voilées de la gaze de l'équivoque, assaisonnées du sel d'un bon mot, déguisées sous des noms empruntés ou des allégories délicates, délayées dans des sentiments tendres, glissées dans la naïveté des expressions, perçant jusqu'à travers le masque de la condamnation ? […] Qu'on l'appelle amour, intrigue, passion, coquetterie, galanterie, désirs, infidélité, etc. sous le masque de tous ces divers synonymes, c'est toujours le vice qui en fait le fonds, c'est du vice qu'on parle : « Nec nominetur in vobis.
Que sert en somme la figure du Dragon, comme toutes les autres masques et diableries, et principalement celles qui se font ès Processions, sinon pour faire peur aux enfants, faire rire les bons compagnons et libertins, et les conduire à un mépris des saintes Cérémonies qu’on mêle avec les Jeux et Spectacles ?