Et ce qui conserva des personnes dignes d'un si grand mépris dans les avantages publics, où les gens d'honneur seulement devaient prétendre, fut à mon avis que la souveraine puissance était entre les mains du peuple, et que ces Farceurs ou Technites de Bacchus ayant tous leurs intérêts, toutes leurs liaisons, et toutes leurs cabales parmi la plus vile populace où ils étaient nés, eurent aisément les suffrages et la protection de leurs semblables, sous prétexte même de Religion, pour jouir avec eux de tous les privilèges de leur République. […] J'ai demandé compte à ma mémoire de tout ce que j'avais lu ; j'ai rappelé toutes mes vieilles idées, et j'ai cherché dans tous les Livres qui me sont tombés sous la main, et je n'ai rien trouvé qui ne m'ait fait connaître clairement que les Acteurs du Poème Dramatique ont toujours été maintenus dans tous les droits et les honneurs de la République Romaine, et que les Scéniques seulement, les Histrions, les Mimes et les Bateleurs exerçant l'art de bouffonner, ont été marqués de cette infamie, qui fait soulever tant de gens par ignorance ou par scrupule contre le Théâtre. […] ou Lutteurs, bien qu'ils combattissent tous nus sur l'Arène, ni les Thyméliques ou Musiciens, bien qu'ils joignissent leur voix et l'adresse de leurs mains aux Danses des Mimes et des Bouffons ; ni les Conducteurs des Chariots au Cirque, ni même les Palefreniers qui servaient auprès des chevaux employés aux Courses sacrées, bien qu'ils fussent de la plus méprisable condition, d'où l'on peut aisément juger, et certainement, que les Acteurs des Poèmes Dramatiques n'ont jamais souffert cette tache ; ils ne paraissaient point sur le Théâtre que modestement vêtus, bien que ce fut quelquefois plaisamment ; ils n'occupaient les Musiciens qu'aux Danses et aux Chants de leurs Chœurs, ou de quelques vers insérés dans le corps de leurs Poèmes, comme ceux de nos Stances que l'on récite mal à propos, au lieu de les chanter, étant Lyriques.
Mirez-vous, passez la main sur votre grecque, si votre main y peut atteindre, jouez avec les berloques de votre montre, rajustez votre jabot de point, & votre gros bouquet sifflez un air de Tom Jones, du Déserteur, de l’Amoureux de quinze ans, (Comédies,) decidez en dernier ressort sur le tâlent des Poëtes, & des Musiciens qui vous ravissent ou vous excedent ; passez en revue les acteurs & les actrices de tous les théatres, mais laissez Perse faute des nœuds ou des pompons, brodes au tembour, parfilés : persiffles, extasiez-vous devant Madame la Comtesse Falion, Vercingentorix, le bassa bilboquet ; débitez-nous des charades, des calambours, des rebus ; jasez de votre désobligeante, de votre cul de singe, de votre vis-à-vis, de votre diable, des moustaches de votre cocher, qui mene à l’Italienne, de vos courtes queues, de votre épagneuil, du vauxhall ; dites tout ce qui vous passera par la tête ; mais laissez-là Perse & son traducteur ; le premier vous présenteroit un miroir trop fidele, qui vous ferait rougir, si vous saviez rougir à propos ; le second ne vous offrira aucune phrase dont vous puissiez enrichir votre jargon maniéré ; nulle expression du jour, pas l’ombre du style à la mode, il est partout d’un maussade assommant, d’un raboteux incroyable, d’une rudesse indicible. Il croit qu’on doit mettre de très-bonne heure la comédie de Térence entre les mains des jeunes gens, même des enfans, pour leur former l’esprit & le cœur à la vertu & aux bonnes mœurs, qu’au moyen de quelque changement peu considérable la morale de Térance est pure, & montre la vertu dans tout son éclat, & la récompense. […] Le Mercure de Décembre 1771, fait un grand éloge non seulement du mérite littéraire de cet ouvrage, en quoi il peut avoir raison ; mais encore du principe de morale & d’éducation qui met ces comédies entre les mains des jeunes gens ; je doute qu’aucun Mentor chrétien lui en fasse des remercimens & profite de son travail, quoique ce soit un Ecclésiastique qui le lui présente, qui n’a pas ici consulté les Canons & les Peres. […] Un style mâle, nerveux, concis, plusieurs mots dans ce genre masculin qui lui échappent, décelent une autre main ; nous n’en prendrons que ce qui regarde le théâtre. […] L’un & l’autre dans des mains destinées à d’autres ouvrages ?
Du moins, il a avoué avoir vû & retouché les Mémoires à consulter, & autres Piéces, avoir écrit le tout de sa main, avoir corrigé les épreuves. […] Il y a plus : la Nation & la Religion doivent à l’envi former l’éloge de cette femme forte, qui prend en main la défense d’un Citoyen fidéle.