Ce sont des aventuriers qui n’ont ni feu ni lieu, ne peuvent être membres d’aucun corps, et ne doivent être admis dans aucune assemblée ni civile ni religieuse ; ils n’ont que la tolérance, on leur laisse faire et dire des folies ; voilà leur état : « Qua porro ignominia, Mimi et Histriones Juliani funus ducebant, probrisque ac ludibriis a scena petitis incusabant, nihil non facientes et dicentes quæ hujusmodi homines qui petulantiam pro arbitrio perpetratre consueverant. » Greg.
Arétin adopta & fit imprimer toutes ces folies : il y a même lieu de croire qu’il retoucha & composa en partie les lettres & les écrits qu’il se fait adresser sous divers noms où elles sont renfermées ; car on ne sait la plupart des traits de sa vie que par les lettres dont il a donné un recueil immense en six volumes, qui ne sont qu’un égoïsme perpétuel. […] Appellé par les princes, & confiné dans une prison ; honoré dans toutes les cours d’Italie, vivant & mourant dans la misere ; d’une famille illustre, & fugitif de ville en ville, de province en province, sans savoir où se réfugier la moitié de sa vie ; couronné comme un grand poëte, & enfermé dans les petites-maisons, pour y être traité comme un insensé ; vivant en grand seigneur, & s’habillant en berger, pour mener la vie pastorale ; comblé d’éloge, & accablé de satyres ; regardé comme le premier poëte d’Italie, & solemnellement condamné par le jugement & les écrits de la plus célebre Académie, (de la Crusca) qui, dans le fonds, n’avoit pas tort, quoique sa conduite fut indécente dans la forme ; célébré, chanté de toute part, errant, inconnu, couvert de haillons, changeant de nom, d’habit & de gîte, par des chemins détournés, exposé à tout, souffrant tout ; ne se sauvant que par des mensonges ; philosophe modéré, se possédant en citoyen, & donnant un soufflet, se battant en duël dans sa colere ; pratiquant des exercices de piété, & traitée d’athée, de philosophe platonicien, & y donnant lieu par ses ouvrages ; faisant des vœux à la Ste.
Un tel art, loin d’être regardé comme nuisible, ne doit pas être mis au rang des amusemens indifférens, puisque de votre aveu le cœur de l’homme est toujours droit, sur tout ce qui ne se rapporte pas personnellement à lui-même , & que par conséquent il n’est pas à redouter, que les spectateurs se trompent dans les jugemens qu’ils porteront d’une action qui ne se rapporte pas à eux personnellement, & qu’au contraire il y a tout lieu d’espérer, que s’il se présente quelqu’occasion pareille, ils se jugeront comme ils ont jugé les autres, & feront sur eux-mêmes l’application de leurs propres maximes. […] Vous avouez que personnellement vous avez tout lieu de vous louer des Comédiens, & que l’amitié du seul d’entre eux, que vous avez connu particulierement, ne peut qu’honorer un honnête homme.