C’est au jour du jugement que paroîtra dans tout son jour le contraste de ces deux grands spectacles ; le Juge des vivans & des morts, assis sur son tribunal, porté sur un nuage, environné de ses Anges, qui prononcera l’arrêt de la destinée éternelle du monde ; les hommes & les démons rampans à ses pieds, les hommes eux-mêmes séparés les uns des autres, les bons à la droite, les méchans à la gauche, se maudissent mutuellement, opposant les vertus aux vices, confondant les vices par les vertus ; le grand spectacle de l’ouverture du livre des consciences, qui en développera les plus secrets replis ; le ciel recevant en triomphe ses heureux habitans ; l’enfer ouvrant ses abîmes, & engloutissant pêle mêle tous les damnés ; l’un & l’autre fermé sans retour, & présentant un hommage éternel à la justice & à la bonté divine, par les supplices & les récompenses.
Si l’on formait les Opéras-Bouffons, & les Drames en tout genre, sur un modèle aussi beau, on les regarderait avec justice comme autant de chefs-d’œuvres.
En effet, un véritable pénitent se doit toujours regarder devant Dieu comme un criminel, qui craint que l’heure de sa mort, qui est toujours incertaine, n’arrive bientôt, et que son Juge irrité ne le livre aux démons, qui sont les Exécuteurs ordinaires de sa Justice : c’est pourquoi il doit employer tout le temps qui lui reste de sa vie à gémir, pour tâcher de fléchir son Juge par ses gémissements, et d’obtenir le pardon de ses péchés.