Je dis plus ; comme le génie dédaigne l’imitation, qu’il veut tout créer, si l’on en découvrait un parmi la jeunesse, il faudrait l’éloigner du Théâtre ; il y réussirait difficilement. […] Les talens naturels seuls, ne suffiront pas, pour être admis à briller dans ces Exercices ; il faudra que la jeunesse y joigne l’accomplissement de tous ses devoirs. […] Il arrive de-là que l’attention à former la jeunesse, à l’assouplir par les Exercices agréables, n’est pas assez générale. […] La jeunesse Romaine jouait dans les Atellanes. […] Que dans nos Acteurs, nous voyions une jeunesse chérie, vertueuse, pure : alors, nos cœurs, pénétrés de la douce chaleur du plaisir, feront éclore le germe des vertus.
Mais que dire des spectacles, en les regardant comme une école intéressée à flatter une jeunesse débauchée & des femmes prostituées ? […] Que n’ont pas à craindre les gouvernemens, qui non seulement tolerent, mais encore donnent ouvertement leur protection à des amusemens qui sont ordinairement pour la jeunesse les écoles du vice, des lieux privilégiés destinés à irriter les passions, des écueils où l’innocence attaquée par les yeux & les oreilles, séduite par les maximes d’une morale lubrique, réchauffée par la musique & des danses lascives, s’expose à des naufrages continuels ? […] L’objet de la plupart des drames même les plus estimés, n’est-il pas de nous peindre sans cesse des intrigues amoureuses, des vices que l’on s’efforce de rendre aimables, des désordres faits pour séduire la jeunesse inconsidérée, des fourberies capables de suggérer les moyens de mal faire ?
Le premier, probablement, parlait des anciennes Tragédies Grecques, où l’on voit les trahisons, les meurtres, les incestes, les parricides ; des Pièces satyriques d’Aristophane ; des Comédies de Plaute & de Térence, qu’une Française lui abandonne de bon cœur : l’autre n’a sans doute en vue que de conserver à sa bicocque de Genève, dont je me soucie très-peu, son urbanité suisse, le droit de s’ennivrer, l’agrément de médire à son aise, & le plaisir, un peu plus réel pour la jeunesse des deux sexes, de danser quelquefois ensemble. […] le cœur de la jeunesse est attendri, ou plutôt, amolli comme la cire ; il est prêt à suivre la première impression qu’on lui voudra donner ; tout dépend de la société que le jeune-homme ou la jeune-fille vont trouver en sortant du Spectacle : les honnêtes-gens leur feront chérir l’union sainte du mariage ; une Catin, un Célibataire égoïste, les plongeront dans la débauche. […] si le Spectacle forme la Jeunesse, & réjouit le Vieillard ?