Quand on voudra faire l’apologie de la décence du théatre, ce n’est pas apparemment le théatre Italien, celui de la foire, l’opéra comique, les spectacles des boulevards, les parades de Vadé, &c. qu’on citera pour modèles, ni ce nombre infini de spectateurs qui s’en amusent, qu’on donnera pour témoins irréprochables, sur-tout par leurs bonnes mœurs. La comédie Italienne a porté si loin dans tous les temps & la malignité & la licence, que sacrifiant les mœurs & les personnes à la fureur de dire un bon mot, & de faire rire le parterre, elle força Louis XIV à la chasser du royaume. […] Sans être grossierement licentieux, comme les Italiens, les deux Foires, les Boulevards & les Farces, cinq spectacles notoirement & unanimement reconnus mauvais, l’Opéra n’est rempli que de galanterie & de principes de vice, peintures agréables de l’amour, exhortations à la tendresse, justification de la passion, mépris de l’innocence & de la modestie. […] Le Clergé de France n’approuve certainement ni l’Opéra, ni la Comédie, ni les Italiens, ni les innombrables Courtisannes qui infestent Paris ; aucune de ses assemblées s’en est-elle mêlée ? […] Celles de Plaute sont moins modestes ; elles le sont cependant plus que la moitié du théatre de Moliere, des Italiens, &c.
La plupart des pieces de Moliere, de Dancour, de Favart, de Boissi, tout le théatre italien sont écrites en prose. […] Le Marquis Albigati, qui rapporte l’un & l’autre dans la préface de son théatre, le dit encore du théatre italien. […] Audinot, acteur italien, ayant eu quelque bruit, fut renvoyé. […] Il les a habillées comme les italiens, & leur a fait jouer des pieces italiennes Cette plaisanterie a attiré beaucoup de monde. […] La comédie italienne ne fit d’abord que voyager en France.
On a même encheri sur lui, & composé plusieurs contes à son imitation ; il prit le Florentin pour désigner Lulli qui étoit Italien, tout cela est-il bien noble ? […] On dit communément que la France est redevable à l’Italie de la renaissance des lettres, sur-tout de son théatre, que nos poëtes sont les éleves des Dantes ; des Petrarque, de l’Arioste, du Tasse, & notre théatre du théatre Italien M Linguet croit que l’on se trompe ; c’est l’Espagne qui l’a formé. […] Le Cid, les Femmes savantes, les Précieuses ridicules, la Chasse d’Henri IV, & cent autres à qui on a fait passer les pirennées, aussi bien que le burlesque Scarron, lui doit les siennes, & malgré le flegme Espagnol, & la vivacité Françoise, elles se ressemblent plus que les Italiennes. Catherine de Médicis & le Cardinal Mazarin ont fait venir des troupes Italiennes à Paris ; personne n’y a fait venir des troupes Espagnoles, cependant les Italiens ne se sont jamais francisés, ils n’ont jamais pris le goût de la nation, ni la nation le leur ; ils ont toujours fait corps à part, & quoiqu’ils parlent François, ce sont deux spectacles toujours différents, qui n’ont pu s’incorporer, ni se fondre l’un dans l’autre. On n’a point puisé chez l’Italien, qu’y a-t-il à prendre ?