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44. (1762) Lettres historiques et critiques sur les spectacles, adressées à Mlle Clairon « Lettres sur les Spectacles à Mademoiselle Clairon. — LETTRE VII. » pp. 115-130

Si la Tragédie représente des parricides, il faut convenir avec Lactance2 que la Comédie n’est qu’un tissu de galanteries scandaleuses ; on y voit des intrigues ingenieuses & séduisantes, un jeu de passions qui gagnent le cœur des Spectateurs, en charmant leur esprit par la pompe & les graces de leur langage. […] Les passions se produisoient sur la Scène destituées de vraisemblance, on n’offroit aux Spectateurs que des intrigues froides, sous des masques ridicules, dont le jeu étoit plus injurieux à la raison, que contagieux pour la chasteté.

45. (1770) La Mimographe, ou Idées d’une honnête-femme pour la réformation du théâtre national « La Mimographe, ou Le Théâtre réformé. — Seconde partie. Notes. — [N] » pp. 431-435

Il semble que les Enfans soient tous nés Comédiens, tant on trouve de facilité à leur enseigner le Mimisme : en effet, cet âge est celui des Jeux & des Ris ; tout est prestige, tout est illusion dans cet âge charmant ; & tout ce qui est imitation & faux-semblanta des attraits pour lui : la Comédie, qui n’est qu’une image des mœurs par son intrigue, est aussi la peinture des actions par ses Imitemens, comme elle est celle des manières par ses Modelemens ; cet Exercice doit être par-là doublement utile à la Jeunesse, qu’il prépare à remplir réellement dans la Société, ce qu’elle a feint sur la Scène. […] Le moyen que je viens de proposer, pour rendre utile le Théâtre-Ephébique, n’est pas le seul ; il en est un autre, peut-être moins avantageux pour les jeunes Acteurs, mais dont l’effet serait plus présent pour le Public : Qu’on abandonne tout-à-fait le mauvais genre de Pièces, adopté, faute de pouvoir mieux par le Néomime soumis au caprice des Grands-Comédiens : au lieu d’intrigues communes & triviales, de passions froides, dont l’expression est aussi gauche que messéante dans la bouche des Enfans-acteurs, qu’ils jouent de petites Pièces plus proportionnées à leur âge ; par exemple, que ces nouvelles Atellanes peignent les passions, les goûts, les défauts de l’Enfance : qu’on prenne encore des sujets naïfs dans les Fables de Lafontaine de Lamotte &c.

46. (1768) Réflexions sur le théâtre, vol 10 « Réflexions sur le théâtre, vol 10 — RÉFLEXIONS. MORALES, POLITIQUES, HISTORIQUES, ET LITTÉRAIRES, SUR LE THÉATRE. LIVRE DIXIEME. — CHAPITRE III. Extrait de quelques Livres.  » pp. 72-105

Ces drames historiques seroient plus faciles que les drames réguliers, où l’on doit former un plan, nouer une intrigue, lier & filer les scénes, ménager un dénouement, inventer, nuancer, soutenir, contracter des caractères que l’histoire leur donne, & les circonstances où elle les place, comme l’ont fait dans leurs dialogues des morts, Lucien, Fenelon, Fontenelle. […] On ne peut se dissimuler que toutes ses pieces roulent uniquement sur les amours de quelque jeune libertin, pour une esclave, contre la volonté de ses parens & de ses tuteurs, & qui réussit enfin par les intrigues & les artifices de quelque valet fripon & débauché. […] Voilà vraiment une belle compagnie à donner à la jeunesse, de belle conversation à leur faire traduire & apprendre ; les beaux principes qu’ils débitent, les beaux artifices qu’ils enseignent, les beaux moyens qu’ils employent pour faire réussir leur intrigue : tout cela revient à propos dans l’occasion, & forme à la vertu l’esprit & le cœur de ses éleves ? Pour les jeunes libertins, en faveur de qui se trament les intrigues, leurs folies, leurs passions, leur indocilité à leurs parents, leur facilité à suivre les conseils de leurs esclaves & de leurs maîtresses, sont toujours non seulement impunies ; mais récompensées par le succès de leurs amours. […] Au reste, dit encore le Mercure : Nul art dans la texture des tragédies d’Eschile, nulle suspension, nulle intrigue, nul développement des passions.

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