qu’elles n’ont plus de vrai comique, & ne produisent aucun effet ; elles instruisent beaucoup, si l’on veut, mais elles ennuient encore davantage : autant aller au sermon. » N’admire-tu pas cette pointe élégante, fine, inespérée ? […] Si nos Auteurs suivent & remplissent cet objet, le Théâtre sera comme dans sa naissance, l’asile des plaisirs purs, faits pour le galant homme, instruit & récréé. […] si leurs Pièces instruisent, elles remplissent le vrai but : elles sont bonnes, mais elles ennuient davantage, (raisonnement qui m’échigne) autant aller au Sermon : mauvaise épigramme, mal adroitement lancée contre nos Prédicateurs. […] 41 Je ne cite ces anecdotes au Sr Jean-Jacques que je sais sans livres (par le soin qu’il a pris d’en instruire son Lecteur) que pour l’avertir obligeamment de ne point noircir un Etat dont il n’a pas sujet de se plaindre, lui prêter tous les vices, & employer les paradoxes les plus atroces pour le prouver. […] « Pour les Spectacles qui consistent autant dans les discours que dans les actions, comme furent autrefois les disputes de Théâtre entre les Poètes Epiques ou Dramatiques, ils sont non seulement utiles, mais absolument nécessaires au peuple pour l’instruire, & pour lui donner quelque teinture des Vertus morales.
Ainsi donc, ô mon cher Glaucon, lorsque vous rencontrerez de ces effrénés amateurs d’Homere qui vous disent que ce Poëte a instruit la Grece, & qu’on ne peut trop le lire ni l’étudier toute sa vie, ni trop se conformer à ses préceptes si l’on veut bien se conduire parmi les hommes, il leur faut répondre avec amitié, comme à de bonnes gens qui se connoissent en Poësie, & leur avouer qu’Homere est en effet le plus grand des Poëtes, & le premier des Poëtes Tragiques ; mais que pourtant nous ne pouvons recevoir dans notre République d’autres ouvrages de Poësie que les Hymnes & les louanges des Dieux, persuadez que nous sommes que du moment que nous y recevrons cette autre Poësie molle & voluptueuse, ce ne seront plus les Loix ni la Raison qui y regneront, mais seulement la douleur & la volupté. […] Ces derniers sont ceux qui nous intéressent davantage, parce qu’ils sont nos semblables ; leurs foiblesses nous instruisent & leurs malheurs nous touchent. Ainsi nous sommes touchés de la mort de Britannicus ; mais quoiqu’il ne mérite pas ses malheurs, nous nous rappellons ses imprudences : ce qui adoucit la douleur de sa mort, & nous instruit.
L’objet des successeurs des Confrères de la passion contre qui l’Eglise a lancé ses foudres était moins d’attirer le Peuple pour l’instruire et l’édifier que de procurer aux Spectateurs l’occasion de se livrer au plus infâme débordement, et de leur faire payer le plus cher qu’ils pouvaient les commodités qu’ils procuraient aux crimes. […] Les Auteurs, soumis à des Censeurs irréprochables, et au scrupule sévère du Magistrat ne peuvent plus se permettre que le langage de la Vertu et le talent d’instruire en amusant. […] Quand un honnête homme avertit un autre honnête homme des moyens qu’un fripon doit employer pour le tromper, doit-on craindre que cet honnête Conseiller ne devienne un fripon lui-même, parce qu’instruit de tous les tons, de tous les détours, de toutes les grimaces que le fourbe qu’il accuse a coutume d’employer pour tromper quelqu’un, il en fait un tableau frappant à son ami ?