Cet ouvrage fait augurer qu’il en éxistait beaucoup d’autres long-tems avant, mais que l’impression n’a pas fait parvenir jusqu’à nous.
On voulut faire passer le libertinage du Tasse pour un amour spirituel & platonique, qui n’avoit en vue que la beauté en général, comme tous les jours le théatre prétend excuser sa licence par les idées risibles de son innocence, disant que ses galanteries ne sont aucune impression, qu’en en revient aussi chaste qu’on y est entré. […] Son discours de réception est comme l’acte de contrition du Berger pénitent, ce fut un discours sur l’amour : ouvrage médiocre, imprimé avec mille autres futilités qui forment l’immense compilation de ses œuvres, en six volumes in-folio, où l’on a fort peu consulté les intérets de sa gloire ; car il n’y a gueres que son Aminthe & sa Jérusalem délivrée qui méritent l’impression ; tout le reste, en dévoilant les mysteres de son cœur & les foiblesses de son esprit, ne fait que dégrader cet homme célebre. […] Ceux, dit-il, à qui une conscience délicate fait craindre l’ombre du danger, ceux qu’un sentiment trop vif rend plus suseptibles des plus légères impressions, feront encore mieux de ne pas le lire ; je leur conseille d’éviter avec soin tous ce qui pourroit non-seulement blesser, mais même allarmer la vertu .
Cet exemple terrible ne suffiroit-il pas pour détruire l’impression momentanée, qu’auroit pû produire sur quelques spectateurs, cette fausse grandeur dont il fait une vaine parade, tandis que le fruit qu’on peut recueillir du châtiment affreux d’un monstre accablé & couvert d’ignominie, subsisteroit dans toute sa force ? […] Pour nous prouver que certaines passions satisfaites nous semblent préférables à la vertu , vous enfantez un nouveau plan de la tragédie de Berenice, dont vous supposez l’effet infaillible avec une confiance intrépide, & vous en tirez cette conséquence victorieuse, que les tableaux de l’amour font toujours plus d’impression que les maximes de la sagesse, & que l’effet d’une tragédie est tout-à-fait indépendant du denouement . […] Je cherche envain quelle autre impression il peut faire sur nous, & je ne vois que celle que produit tout homme qui s’aime plus que les autres.