Mais, avant d’entrer en lice, je veux imiter un grand prince, qui a cru devoir faire alliance avec les impératrices d’Allemagne et de Russie. […] Les autres tragiques qui se font un devoir de l’adorer et une gloire de l’imiter, oseraient-ils crier à l’injustice pour eux-mêmes, si on fait voir qu’on ne prend à son école qu’un faux goût de sublime, qu’il égare plus qu’il n’instruit ? […] Rien n’est plus plaisant que les idées, sur le nom de Corneille, d’un écrivain qui l’a étudié et tâche de l’imiter avec tout le feu de l’amour. […] L’homme n’est grand qu’autant qu’il l’imite et lui est soumis. […] Aulugelle rapporte que tout le monde se moquait d’Hortensius, rival de Cicéron, et l’un des plus grands orateurs, parce qu’il imitait les airs du théâtre.
On ne vit plus que meurtres & brigandages dans les mœurs, & le tableau ne fut plus de nature à pouvoir être imité sur le théâtre. […] Les Lettres ont dégénéré, & cependant nous sommes encore bien loin d’avoir imité les Anciens, du moins dans les grandes parties. […] Ils ne connoissoient point la division des actes : ils avoient des chœurs qui prolongeoient & continuoient la marche de l’action, & qui en faisoient une partie inséparable, loin de la suspendre comme nos entre-actes, qui ne sont imités que des comédies anciennes, & encore très-mal, puisque la musique y étoit toujours analogue au sujet. […] Ainsi après bien des siecles, nous commencerons pour la premiere fois à tenter d’imiter & de surpasser nos modèles, les Grecs & les Romains, qui eurent de tout tems des Spectacles entretenus aux dépens de l’Etat. […] Ils les formoient à imiter toutes sortes de gestes, d’actions, de postures, & leur faisoient jouer une partie de leurs pièces.
N’est-il pas vrai que cette Poësie imite les Hommes en tant qu’ils font des actions ou forcées ou volontaires, & qu’il deviennent heureux ou malheureux, à ce qui leur semble, par ces actions ; je veux dire qu’il leur en arrive d’être ou dans la joie ou dans la tristesse ? […] Ensuite il y a le Chant & la Diction ; car c’est avec ces choses qu’on imite. […] Car il y a deux choses par lesquelles on imite [qui sont le chant & la diction] une maniere d’imiter [qui est la Représentation du Théâtre, c’est-à-dire, la décoration, les habits, le geste &c.] & il y a trois choses qu’on imite, au-delà desquelles il n’y a rien de plus [c’est-à-dire l’action, les mœurs & les sentimens.] » J’examinerai dans la suite les six parties dans lesquelles Aristote divise la Tragédie, je me contente maintenant d’examiner 1° quelles sont les deux Passions qu’il regarde comme essentielles à la Tragédie, 2° ce qu’il entend quand il dit (supposé qu’il l’ait dit) que la Tragédie purge les Passions. […] Ce Pere qui nomme un Acteur de la Comédie Italienne, qui vivoit comme un Saint, & ne montoit jamais sur le Théâtre sans avoir mis un cilice sur sa chair, austérité à laquelle l’engageoit sa Femme, qui exerçant là même profession, vivoit dans la même sévérité de mœurs, nous apprend aussi que cette Comédienne deux ans avant sa mort, se retira du Théâtre, & exhorta son Mari à l’imiter, ce qu’il ne fit pas.