Mais jetons un coup d’œil rapide sur les ministres d’une religion austère, sur ceux mêmes qui en suivent extérieurement les préceptes, sur tous ceux qui la font servir à leurs lâches projets, soit pour satisfaire leur envie, soit pour protéger leur ambition, et nous trouverons comme compagnes inséparables de leurs caractères : l’insatiabilité, qui les rend avides de richesses, d’honneurs et de vénération servile ; l’égoïsme, qui les porte à tout faire pour eux-mêmes et à ne rien rapporter aux autres ; insensibilité, qui, après avoir endurci leurs cœurs à la vue des maux qui accablent l’humanité, à l’aspect des souffrances qui précèdent la mort, et que, dans leurs exercices, ils sont appelés à contempler, rend leur âme inaccessible aux douces impressions de la vertu et aux charmes de la sociabilité ; la cupidité, qui les rend sévères pour ceux dont la misère réclame des soins qu’elle ne peut assez récompenser, adulateurs et serviles auprès de ceux à qui les richesses et le faste permettent de faire de nombreux sacrifices.
Nos inclinations ne se portent déjà que trop au mal, sans qu’il faille jeter de l’huile sur les flammes ; sans que l’on emploie ce grand appareil, tant de damnables instructions, autorisées par des exemples célèbres, par les triomphes du vice, suivis d’un applaudissement public pour assurer les courages contre les reproches de la conscience, et les menaces des lois : on met l’honneur à nourrir des haines irréconciliables, à mettre la désolation dans les familles et dans les états, pour une parole mal interprétée, pour une ombre, pour un soupçon de déplaisir : on qualifie cette fureur du nom de force, et comme au temps de l’idolâtrie, des vices on fait des divinités à qui l’on présente des sacrifices de sang humain, quand l’on introduit toutes les fausses déités du Paganisme, et qu’on rapporte tous les événements des affaires à la fortune ; n’est-ce pas affaiblir extrêmement la foi d’un vrai Dieu ?
C’est moy qui vous ay fait part d’un titre si glorieux, je pretends que les peuples le respectent en vous, je veux qu’ils vous venerent par une espece de religion, que la religion, qui me doit des honneurs souverains, en rende une partie à mon autorité & à mon nom dans vos personnes. […] Les Auteurs des Pieces de theatre suivent en cecy les vestiges de cet ancien ennemy de la Grace, dont saint Augustin a triomphé avec tant de gloire pour luy, avec tant d’avantage pour l’Eglise, avec tant de satisfaction, de reconnoissance, & d’honneur pour l’auteur d’un bien-fait si necessaire aux hommes. […] Ces habiles hommes sçavent bien que les crimes sont odieux d’eux-mesmes, & que les personnes les plus corrompuës ne peuvent pas s’empescher d’en témoigner de l’horreur, à moins que de renoncer à l’honneur, & à la bien-séance, & de ne se mettre plus en peine d’estre en execration à tout ce qu’il y a de raisonnable dans le monde. […] Considerez ce que vous devez à l’innocence, à l’honneur, à la conservation de l’Estat, & que vous ne pouvez vous exempter de ces soins sans manquer à une des principales obligations dont la Providence divine vous a chargez en vous donnant la conduite des peuples. […] Vous estes plus redevables à un Dieu de qui vous avez reçû plus de lumiere, autant d’autorité, & dont vous avez beaucoup plus à esperer, & à craindre ; que la connoissance, que les commandemens, que les bienfaits, j’ay peine d’ajoûter que les promesses, que les menaces d’un Dieu si digne d’estre servy pour le seul honneur de luy plaire, obtiennent de vous les soins & les reglemens que la seule raison a obtenu des Payens.