C’est une des meilleures pièces de Racine, & par conséquent une des plus dangereuses, quoique traitée avec décence, si la décence se borne à ne rien dire de grossier, & s’il est fort décent de diminuer l’horreur des forfaits, & de rendre les criminels estimables par de brillantes enveloppes.
» Si on dit que les Grecs, et Romains permettaient les jeux : je réponds que c'était pour une superstition qu'ils avaient à leurs Dieux. mais les plus sages les ont toujours blâmés. car combien que la Tragédie a je ne sais quoi de plus Héroïque, et qui moins effémine les cœurs des hommes, si est-ce toutesfois que Solon ayant vu jouer une tragédie de Thespis, le trouva fort mauvais : de quoi s'excusant Thespis disait, que ce n'était que jeu, Non, dit Solon, mais le jeu tourne en chose sérieuse, beaucoup plus eût-il blâmé les comédies, qui étaient encore inconnues. et maintenant on met toujours à la fin des tragédies, (comme une poison ès viandes) la farce, ou comédie.
Cela ne se fait point parmi nous, et ne sommes tant irrévérencieux b en notre Religion, que de profaner l’honneur de Dieu et des saints : mais en lieu, ès jeux et processions publiques, du moins en quelques-unes, on fait entre les Chrétiens jouer et marcher les Diables en la forme qu’on les peint, non pas enchaînés, encore cela serait tolérable, mais déchaînés, comme si c’était au plus fort du Paganisme, et qu’on voulût représenter des furies enragées dessus un Théâtre ou Spectacle public, non plus de Païens, mais des Chrétiens qui doivent être assurés que le Diable a la puissance bridée.