Il n’y a point de fou qui porte la folie à cet excès ; ou, s’il en est quelqu’un, ce n’est plus un fou agréable, c’est un homme en délire, qui fait pitié & n’amuse pas. […] Il n’y a gueres en effet que la passion qui puisse fournir tant de folies. […] Mais ce sont deux foux, dit-on, qu’on donne pour tels, dont on joue les folies ? […] Il y a de la barbarie d’entretenir, d’augmenter la folie ; &, au lieu de travailler charitablement à la guérir, s’en faire un cruel divertissement, & la rendre incurable. […] La maison nombreuse du Duc fait mille folies plus grandes que celles du chevalier.
Caton faisoit les plus sanglans reproches à Murena, en l’accusant de cette folie. […] & n’est-ce pas après ces excès que se font les plus grandes folies ? […] Ce mot de folie a été employé par Cicéron : Nemo saltat, nisi insanit. […] A n’envisager la danse qu’en Philosophe par les lumieres de la raison, c’est une folie. […] y a-t-il de plus grande folie que de se damner ?
Veritablement, si l’extravagance ne s’étoit naturalisée dans nos mœurs, nous nommerions folie ce qu’on appelle gentilesse. On a raison d’appeller des joueurs dans ces assemblées, afin que l’ame étant occupée par l’oreille, les yeux ne s’offensent pas de tant de mouvement irreguliers : cela veut dire, qu’une folie en couvre une autre. […] N’est-ce pas une folie, mais une folie du premier ordre, de sauter, de remuer le corps par bond, de se tourner, d’aller, de venir de côté, & d’autre ? […] La danse chez les Romains n’étoit pas permise aux honnêtes gens : ce qui a fait dire au plus éloquent de leurs Orateurs, que c’estoit une espece d’yvresse defendûë aux personnes, qui font profession de vertu, & c’est peut-être dans cette pensée, qu’un savant Ecrivain de nôtre siécle l’appelle une folie, qui passe de la tête jusqu’au pied.