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10. (1759) Remarques sur le Discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie « Remarques sur le discours qui a pour titre : De l’Imitation par rapport à la Tragédie. » pp. 350-387

La Tragédie prend une autre route pour flatter notre amour propre, & elle n’y réussit pas moins par l’admiration, que la Comédie par le mépris. […] Ainsi par des effets contraires, mais qui naissent de la même cause, la Comédie nous inspire l’estime de nous-mêmes par le mépris des défauts dont nous croyons être exempts, & la Tragédie ne nous l’inspire pas moins par l’admiration des vertus que nous nous flattons de posséder, ou dont nous trouvons au moins les semences dans notre ame. […] Il conçoit une plus haute idée de ses forces : il se flatte de penser avec plus d’élévation, & c’est là sans doute une des plus grandes causes de cette espéce d’enchantement qui est attaché à la Poësie sublime & héroïque. […] Elle réalise sans effort tout ce qui peut flatter ses passions en les remuant agréablement. […] Notre amour propre se repaît donc, pour parler ainsi, de la vûe de ces fautes qui échappent aux meilleurs Auteurs : nous nous flattons aisément que puisque nous les appercevons, nous les aurions évitées si nous avions eu à faire le même Ouvrage.

11. (1743) De la réformation du théâtre « De la réformation du théâtre — SIXIEME PARTIE. — Comédies a corriger. » pp. 295-312

Je me flatte d’avoir démontré dans le premier Chapitre de cet ouvrage combien la Comédie de l’Avare telle qu’elle est, est contraire aux bonnes mœurs ; par tout ce que j’ai dit sur les amours de Cléante et Elise les deux enfants d’Harpagon, il semble que je devais en conséquence placer cette Pièce dans la classe des Comédies que je rejette. […] Valère de son côté peut s’excuser auprès d’Elise, en disant que son intention a été uniquement de gagner la bienveillance d’Harpagon, ce à quoi il est déjà presque parvenu, quoi qu’il ne soit que depuis deux jours auprès de lui, parce qu’il n’a perdu aucune occasion de flatter sa passion pour l’argent ; il peut ajouter que son dessein est de persuader à son père, avec le temps, de consentir à marier sa fille, chose à laquelle peut-être il ne penserait jamais pour s’épargner la dot qu’il faudrait lui donner en la mariant : qu’en attendant il aurait le temps d’avoir des nouvelles de ses parents, comme on lui en faisait espérer, et qu’en cas qu’il parvint à les trouver, il se flattait que le goût qu’Harpagon aurait pris pour lui le déterminerait aisément en sa faveur par préférence à ses Rivaux ; d’autant plus qu’il croirait être en droit de lui moins donner qu’à tout autre.

12. (1764) De l’Imitation théatrale ; essai tiré des dialogues de Platon : par M. J. J. Rousseau, de Genéve pp. -47

Mais celui qui trace une perspective, flatte le peuple & les ignorans, parce qu’il ne leur fait rien connoître, & leur offre seulement l’apparence de ce qu’ils connoissoient déjà. Ajoûtez que la mesure, nous donnant successivement une dimension & puis l’autre, nous instruit lentement de la vérité des choses ; au lieu que l’apparence nous offre le tout à la fois, &, sous l’opinion d’une plus grande capacité d’esprit, flatte le sens en séduisant l’amour-propre. […] Mais le Poëte, qui n’a pour juge qu’un peuple ignorant auquel il cherche à plaire, comment ne défigurera-t-il pas, pour le flatter, les objets qu’il lui présente ? […] C’est par ce moyen, qu’avec des imitations plus faciles & plus diverses, le Poëte emeut & flatte davantage les spectateurs. […] L’expérience nous apprend que la belle harmonie ne flatte point une oreille non prévenue, qu’il n’y a que la seule habitude qui nous rende agréables les consonances, & nous les fasse distinguer des intervalles les plus discordans.

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