on fait représenter devant lui, pour le tromper, une prétendue Comédie en deux ou trois scenes, où la fille se marie, & ce mariage subsiste ; idée qui a été plusieurs fois imitée. […] Il s’en vengea par cette Comédie, où il représente quelque aventure arrivée au Collége avec la fille de ce Principal, & lui en met une autre sur son compte, avec si peu de ménagement, que c’étoient les mêmes noms, & du maître de la fille, & des cuistres, Granger, Manon, Pagelin, comme Moliere a conservé le nom propre de Pourceaugnac & de George Dandin.
Son père Gustave étoit trop sérieux & trop sage pour s’amuser de ces folies, & occupé dans la guerre qu’il fit en Allemagne n’avoit pas de temps à y perdre ; ses prédecesseurs n’en connoissoient pas même le nom : sa fille Christine fit à Thalie une réparation authentique du mépris de sa nation & de sa maison, elle bâtit un théatre, fit venir à grand frais & soudoya des troupes de Comédiens, fit jouer toute sorte de piècces, y passoit des temps considérable ; des dépenses & des occupations si frivoles qui nuisoient à toutes les affaires de l’État, furent une des raisons qui dégoûtèrent de son gouvernement, & enfin l’obligèrent d’abdiquer. […] Ce Chancelier peu avant la mort apprenant les scènes qu’elle jouoit dans le monde, dit en soupirant : Je le lui avois prédit, mais taisons-nous, c’est la fille du grand Gustave. […] Aussi son père qui désiroit fort d’avoir un garçon, & qui n’eut que cette fille, s’en consoloit quand il eut connu son caractère, en disant, elle vaut bien un garçon.
Je demande maintenant s’il est de l’essence d’une action vertueuse ou d’une action vicieuse, de faire rire ceux devant qui elle se passe ; je ne crois pas qu’on se range du côté de l’affirmative, à moins qu’on ne soutienne qu’il est risible de voir une fille allaiter son pere, ou bien qu’il est plaisant de voir un homme qui, après s’être ruiné au jeu, va se précipiter dans le fleuve.