Se peut-il qu’il ait oublié que sa fille est parmi les Vestales, puisqu’il l’y a mise par force ? Peut-on penser qu’il entende parler du crime, qu’il vienne au Couvent faire le procès à une Vestale, sans s’informer si sa fille est impliquée dans ces soupçons, qu’il parle à la grande Prêtresse & à toutes les autres, sans s’appercevoir que sa fille y manque ? […] & quelle maladresse de perdre toutes les inquiétudes attendrissantes de ce pere justement affligé avant d’avoir vu sa fille ? […] Il oublie même son devoir de Juge, il laisse impuni le complice, ou plutôt l’auteur & le seul coupable du crime de sa fille. […] que peut ambitionner de plus la fille de la plus haute naissance ?
Les femmes et les filles y sont parées comme des temples, et il n’y a point d’ornement et d’invention qu’elles n’emploient pour paraître belles, et pour se rendre agréables. […] « Ne regardez point aucune fille, dit-il, de peur que sa beauté ne soit une occasion de ruine pour votre âme. […] Et Job éclairé de la lumière de Dieu, quoiqu’il fût un homme très parfait, nous assure néanmoins qu’il avait fait un pacte avec ses yeux pour ne point regarder aucune fille, de peur que son imagination et son esprit n’en fût occupé. […] On écrit aussi qu’Alexandre le Grand refusa de voir les filles de Darius, de peur qu’ayant vaincu les Rois, et les Conquérants du monde, il ne fût lui-même vaincu par la beauté des femmes. […] Enfin quel sera le crime de ceux qui font, ou qui procurent ces assemblées pour favoriser les désirs détestables des Grands, et qui par un dessein honteux et abominable, prétendent leur donner occasion de dresser des embûches à la pudicité des femmes et des filles, et de tendre des pièges à leur simplicité, et à leur fragilité naturelle ?
En effet il seroit bien surpris de trouver sa maison ouverte, & sa fille à la porte avec son amant. Mais pourquoi une fille si sage craint-elle les yeux de son pere ? […] Le Bailli, qui en est témoin, a-t-il si grand tort de juger indigne de la rose une fille qui oublie toutes les loix de la pudeur ? […] C’est un Juge qui n’agit que par passion, pour obtenir une fille qu’il aime. […] Quelle fille n’auroit pas droit à la rose, si elle est dûe aux libertines reconnues ?