Il serait inutile et impossible de faire l'histoire et d'épuiser le détail des folies humaines dans les divertissements ; nous ne parlerons que d'une espèce qui s'était répandue dans toute la France pendant les siècles d'ignorance, et s'était glissée jusques dans les Eglises et dans l'Office divin, et par les plus indécentes profanations avait porté dans le sanctuaire l'abomination de la désolation, sous une infinité de noms bizarres, la Fête des Fous, la Fête de l'Ane, les Innocents, la Mère folle, l'Abbé et les Moines de Liesse, l'Evêque des Imbéciles, le Pape des Fats, le Roi des Sots, le Prince de Plaisance. […] » L'obscénité règne partout dans quelqu’une de ses espèces d'obscénité grossière, voilée, gasée, délayée, aiguisée, assaisonnée, etc. que l'on veut décorer du beau nom de décence, de théâtre épuré, réformé, etc. […] Dans cette troupe de Comédiens on n'aurait qu'à choisir et combiner les diverses espèces de folie, on ferait aisément une pièce régulière : voilà des Acteurs tout formés qui joueraient d'après nature. […] L'un est un amas de matériaux de toute espèce, l'autre l'édifice que l'Architecte Auteur en a formé. […] De là des danses de toute espèce, légères, graves, majestueuses, badines, bouffonnes, etc. qui peignent les mouvements de l'âme, des danses de Guerriers, de Bergers, de Paysans, de Furies, de Dieux, de Démons, de Cyclopes, d'Indiens, de Sauvages, de Mores, de Turcs, qui caractérisent les professions et les peuples ; de là ces mouvements compassés de la tête, des pieds, des bras, des mains, etc. qui tous doivent se réunir de concert pour former les traits du tableau ; de là tous les divers habits et parures analogues à ce qu'on veut représenter, mais qui tous élégants, dégagés, propres, conservent et rendent saillante la taille et la forme du corps, qu'ils laissent admirer ; de là cette souplesse moelleuse, cette mobilité coulante, cette marche gracieuse, cette symmétrie des pas, ces figures entrelaçées, cette espèce de labyrinthe où à tout moment on se perd et on se retrouve ; de là ces innombrables combinaisons de plusieurs danseurs qui se cherchent, se fuient, s'embarrassent, se dégagent, se parlent par gestes, varient à tous les moments la scène, mais qui dans tous leurs mouvements les plus compliqués, toujours soumis au coup d'archet, semblent n'agir que par la même impulsion.
Cette espece de Comédie approuvée et établie parmi les Grecs, fut adoptée par les Latins : la première Comédie Latine était parfaite. […] A Rome, la jeunesse était plongée dans la débauche des Courtisanes et des femmes esclaves ; l’on en fit l’objet de la critique et de la Comédie du temps : en sorte que ce qui nous reste du Théâtre des Latins, ne nous fournit que des intrigues de cette espèce ; et, comme les vices sont de tout pays, Térence, en transportant sur le Théâtre des Latins quelques-unes des Comédies du Poète Grec Ménandre, a choisi celles dont le sujet roulait sur le libertinage des jeunes gens, comme les plus convenables aux mœurs des Romains. […] C’est sur ce pivot que tournent les intrigues de la Comédie, depuis cette première espèce de correction jusqu’à présent.
Cet art est de deux espèces, où l’on apperçoit d’un coup d’œil toutes les qualités des Etres naturels ou moraux, où l’on n’y parvient qu’a l’aide de la réflexion. La premiere espèce se distingue par une pénétration vive & rapide, qui, sans effort, sans étude, découvre comme par instinct la nature des choses. […] Mais le jugement de la premiere espèce approche le plus du bel esprit, qui lui-même amuse davantage, & prend le mieux dans un certain monde. […] Le bel esprit n’a donc pas besoin de l’espèce de jugement, qui, au premier coup d’œil, saisit toutes les faces des objets.