Ce qui arrêta dans l’Empire, & par conséquent dans tout le Nord, les progrès du théatre ; ce fut une ordonnance de Charles-Quint, donnée à Ausbourg l’an 1548, rapportée par Gregor. […] Ces loix Romaines ont subsisté dans les deux Empires, & subsistent encore chez tous les peuples, malgré toutes les révolutions des religions & des États, & à l’exception de quelques têtes théatrales qui voudroient rendre tout le monde Comédien, elles ont toûjours été regardées comme très sages par l’univers entier. […] Il le dira à l’oreille de quelques jeunes Magistrats qui fréquentent la comédie, & qui véritablement peuvent se donner eux-mêmes en preuve de la proposition, & nous rapprocher des temps lumineux de la Grèce : Tous les siecles de l’Empire Romain & de l’Église Chrétienne ne sont que des temps ténébreux, le théatre possede seul la lumiere. […] on n’y vient que pour elles, c’est leur empire, leur triomphe.
Tel fut le sort de l’empire de Babilonne, ville abominable, théatre du vice, parce qu’elle é oit le trone des femmes, dont l’indecence y étoit sans bornes. […] L’empire Romain, ce colosse énorme de puissance, qui, comme la statue de Nabuchoodnosor, tombe en poussiere, frappé par une pierre, dût ses vertus à ses succès, & sa chûte à son luxe. […] L’empire des Grecs, qui imita les désordres de Rome, & peut-être les surpassa, subit la même destinée. […] Il y est placé par la main des passions, pour servir les passions, pour établir l’empire des passions. […] Il y a établi son empire, il y donne des loix, y prononce ses oracles, y allume ses feux, y étale ses livrées, y exerce son autorité, toutes les passions y sont à ses ordres, on y combat pour lui, on lui amene des esclaves.
A la vérité les Empereurs de Constantinople ont jusques au declin de leur Empire retenu le gonfanon où était le Dragon peint, et l’appelaient Flammulum du Latin, duquel nom tant Cédrène que le Curopalate se servent, et dont vient le mot Français d’Oriflamme et le Flamboler des Turcs.