« Le besoin de distraction n’est pas aussi nécessaire à l’homme qu’on se l’imagine communément ; c’est bien moins une loi de la nécessité que le résultat de l’empire de l’habitude et de l’imagination.
néanmoins si on lui eût demandé ce qu’il recherchait dans ses divertissements, comme faire des horloges, aligner un parterre, pousser une boule et cent autres de cette nature, il aurait répondu par la bouche de son sage Chancelier, qu’il avait la même fin dans ces menus emplois, que dans les plus pressantes affaires de son gouvernement, qu’il n’avait point d’autre vue ni dans les uns, ni dans les autres, que le service du public, et que ces recréations n’étaient que de petits ragoûts pour lui faire entreprendre les soins de son Empire avec plus d’activité. […] Elle n’a pas seulement cet empire sur l’air, qu’elle manie et qu’elle tourne à son gré, elle l’a encore sur les esprits, qu’elle surprend ou par la douceur de ses charmes, ou par l’impression de son pouvoir, elle leur fait prendre les mouvements et les passions qu’elle se propose : elle fait une si puissante révolution sur les corps et sur les esprits, qu’en un moment on voit des hommes changés, elle en fait des Anges, elle en fait des Démons. […] sens qui sont les entrées par lesquelles les vices se glissent dans nos âmes, y sont tous ouverts et tous y ont des objets très charmants du péché : Les yeux qui ont leur opération très prompte et très subtile, ne se peuvent porter que sur des beautés charnelles, que l’amour et la vanité ont parées de leurs mains pour leur donner plus d’empire sur nos cœurs : Les nudités, les gestes, les œillades, les mouvements du corps sont autant de dards qui nous portent le coup de la mort, et personne ne s’en défend : Après cela viennent les voix ou les instruments, qui frappent l’oreille d’un air si doux, que tout le corps s’émeut et s’amollit, et notre âme semble sortir hors de soi. […] Si Dieu ruinait l’Empire du Turc en aussi peu de temps qu’il perdit Pharaon, s’il nous remettait dans la possession de la Terre Sainte, et de tous les lieux sacrés, où Jesus-Christ a opéré les Mystères de notre Rédemption, nous aurions les mêmes droits, et notre réjouissance devrait passer pour vertu. […] Ce fut un homme qui mania le fer en son temps, et qui eut assez d’adresse et de courage pour acquérir et pour conserver la moitié de l’Empire du monde ; en un mot c’est Théodoric Roi des Goths :Sidon.
C’est ainsi que suivant l’institution de l’Auteur de la Nature, la Vertu devoit régner sur le cœur de l’Homme par l’admiration ; & elle y régneroit encore, si les passions ne lui en disputoient l’empire par une autre espece de plaisir. […] Une action, telle que celle qui fait le sujet de la Tragédie de Cinna, se passe réellement devant mes yeux ; j’entens les conversations de Cinna & d’Emilie ; je vois leur entreprise sur le point d’éclater : j’assiste à la délibération d’Auguste sur l’abdication de l’Empire & le rétablissement de la République ; je suis témoin de la trahison de Maxime : la conjuration est découverte.