Si toutes les femmes étaient d’aussi bonne foi que vous, Madame, elles avoueraient avec la même ingénuité, qu’elles ne savent ce que signifient proprement les termes de Tragédie et de Comédie : Ce sont les deux espèces qui divisent le Poème dramatique : Peut-être que ce mot est encore un mystère pour bien des femmes ; cette espèce de Poème est nommée de la sorte, parce qu’il représente quelque action, et il est différent des autres qui se passent en simples récits. […] La fin des pièces dramatiques est d’exciter en l’âme plusieurs passions tour à tour, la tristesse, la joie, la douleur, l’espérance, le désespoir : Ces passions entrent dans l’âme par les yeux, et par les oreilles, par les spectacles, et par les récits ; lorsqu’on fait voir au spectateur, quelque objet pitoyable, ou qu’on lui raconte quelque Histoire tragique. Le caractère des Poètes dramatiques est bien différent de celui des Avocats, qui plaidaient devant les Juges de l’Aréopage : Il leur était très expressément défendu d’employer aucune figure, qui pût exciter quelque passion dans l’esprit de ces Sénateurs ; on se contentait de rapporter le fait, et d’exposer simplement les raisons qui l’appuyaient. […] Voilà, Madame, quelques notions, qui pourront vous donner une idée générale de la perfection de la Comédie, et vous aider à connaître celles qui sont faites selon les règles de l’Art ; mais pour en être mieux instruite, je vous conseille, Madame, de lire le Discours que le célèbre M. de Corneille a fait sur le Poème dramatique, et qui se trouve dans le premier Tome de ses ouvrages : Il examine cette matière à fond, selon les règles que les Anciens nous ont laissées de la pratique du Théâtre, et qu’il entendait aussi bien qu’eux ; du moins on peut dire, sans le flatter, que ses Poèmes dramatiques égalent, s’ils ne surpassent pas ceux que l’antiquité a le plus admirés. […] Le Poème dramatique a tiré son origine des récits, qui se faisaient à la louange des Dieux, et il se ressent toujours un peu de cette superstitieuse origine.
L’Auteur du Fils Naturel, nous objectera-t-on, dit : « Qu’il y a dans la composition d’une Pièce Dramatique, une unité de discours qui correspond à une unité d’accens…… S’il en étoit autrement, il y auroit un vice ou dans le Poëme ou dans la représentation. […] Ainsi un Auteur Dramatique est dans une nécessité absolue d’avoir toujours le Comédien sous les yeux pour juger par son jeu des effets de chaque partie de son ouvrage.
[NDE] Antoine Péricaud reporte que les jésuites de Lyon avaient coutume de terminer l’année scolaire par des exercices dramatiques, dont une Action composée par le professeur de rhétorique, qui étaient probablement, en 1607, le père Antoine Milieu. […] L’auteur joue, dans tout le passage, avec les clichés poétiques contemporains, pour dévaloriser les ambitions dramatiques des jésuites.