L e mot de Theatre est Grec, & ne signifie autre chose qv’un lieu de Spectacleἀπὸ τοῦ θεᾶσται ; c’est à dire, où l’on voit commodement & pleinement les choses extraordinaires qu’on expose en veuë pour le divertissement ou pour le bien, du public. […] Le theatre prenoit une partie de cette Ovale : les uns la moitié, les autres plus ou moins, selon les choses qui devoient y paroistre, ou selon la magnificence de ceux qui les entreprenoient & qui vouloient y donner du divertissement. […] L a Religion a donné la naissance & la durée à ces divertissements, T. […] La vieille confusion des Seances du Peuple & des Senateurs, qui furent contraints de prendre leurs divertissements debout, & sans aucune distinction de rang & de qualité, dura cinq cens cinquante ans.
On voit en une infinité d’endroits de leurs écrits, surtout de ceux de saint Chrysostome, les marques d’un zèle Apostolique contre cette pernicieuse inclination qui commençait déjà à corrompre l’innocence des fidèles, ils les ont considéréb comme une invention du diable pour amollir le courage des soldats de Jésus-Christ, ils déplorent l’aveuglement extrême de ceux qui croient qu’on peut assister à ces représentations dont on n’a guère coutume de remporter que des imaginations honteuses, ou des desseins criminels, ils font voir l’obligation indispensable qu’on a de quitter ces occasions prochaines d’incontinence, ils appellent ces assemblées des sources publiques de lubricité, où la grande Babylone mère des fornications de la terre fait boire le vin de sa prostitution, ils les décrient comme des fêtes du diable, et obligent ceux qui y ont assisté de se purifier par la pénitence avant que de rentrer dans l’Eglise, enfin ils font des peintures si affreuses de l’état où l’on se trouve au sortir de ces divertissements profanes, qu’on ne peut les voir sans frémir et sans s’étonner de l’éffroyable aveuglement des hommes, à qui les plus grands dérèglements ne font horreur, que lorsqu’ils sont rares, mais qui cessent d’en être choqués dés qu’ils deviennent communs. Tertullien dans un ouvrage exprès qu’il a composé contre cet abus, entreprend de faire voir qu’il est incompatible avec la sainteté de la religion que nous professons, car il est certain dit ce docte Africain, que la recherche des plaisirs sensuels est une des passions la plus violente et la plus tyranniquec de l’homme, et qu’entre les plaisirs, celui des spectacles transporte davantage, ils font revivre les passions dans les cœurs les plus mortifiés, les animent, les fortifient, et après avoir comme extasiés ceux qui se repaissent de ces funestes divertissements, et avoir excité des mouvements d’amour, de haine, de joie, de tristesse, le cœur se ferme à ceux de la grâce plus calmes et plus modérés, et y devient impénétrable. […] , la nudité, les gestes, les airs lascifs des comédiens et comédiennes qui soit contraire à la modestie, supposé que les personnes qui y assistent ne puissent inspirer l’esprit du monde et de la vanité qui éclate dans leur parure, leurs actions, et tout leur maintien extérieur, supposé que tout ce qui s’y passe, les vers tendres et passionnés, les habits, le marcher, les machines, les chants, les regards, les mouvements du corps, la symphonie, les intrigues amoureuses ; enfin que tout n’y soit pas plein de poison, et semé de pièges, vous devez pourtant vous abstenir d’y aller, (je parle toujours avec saint Chrysostome) car ce n’est pas à des Chrétiens à passer le temps dans la joie, aux Disciples d’un Dieu homme qui n’a jamais pris sur la terre le moindre divertissement, à qui le rire a été inconnu, qui a donné au contraire sa malédiction à ceux qui rient, que l’Athlète qui étant dans la lice tout prêt d’en venir aux mains avec son adversaire, quitte le soin de le combattre pour prêter l’oreille à des folies, le démon nous attaque et tourne de tous côtés pour nous dévorer, il n’y a rien qu’il ne tente pour surprendre, il grince des dents, il rugit, il jette feu et flamme, et vous vous arrêtez tranquillement à ouïr ces extravagances, pensez-vous que ce soit par là que vous le surmonterez ? […] Et après cela le bal trouvera des partisans et des apologistes aussi bien que la comédie, on traitera de divertissement honnête, d’action indifférente, ce qui est la honte et l’opprobre du christianisme.
Il faudrait être tout à fait injuste pour condamner les tournois, les courses de Bague, les combats à la Barrière, et tous ces autres exercices qui sont en usage depuis la naissance des Monarchies : Aussi n’ai-je point d’avis à donner sur ce sujet, sinon que la dépense n’y soit pas excessive, de peur que le Prince ne vende trop cher ces sortes de divertissements à ses Peuples, et qu’il ne soit obligé de réparer par de fâcheuses levées ce qu’il aura dissipé par de folles profusions. […] » Or la Comédie est le plus charmant de tous les Divertissements, Elle ne cherche qu’à plaire à ceux qui l’écoutent, Elle se sert de la douceur des Vers, de la beauté des expressions, de la richesse des figures, de la pompe du Théâtre, des habits, des gestes et de la voix des Acteurs ; Elle enchante tout à la fois les yeux et les oreilles : et pour enlever l’homme tout entier, Elle essaye de séduire son esprit après qu’elle a charmé tous ses sens.