Il est divisé en différents Discours, dans lesquels le P. Le Brun est entré dans tout le détail possible, et où il cite et rapporte les différentes autorités qui font la condamnation des Spectacles. […] Indépendamment de ces Ouvrages particuliers, on trouve dans ceux de différents autres Auteurs plusieurs passages contre la Comédie assez circonstanciés, pour mériter d’être indiqués. […] Senaut, quatrième Général de l’Oratoire ; et enfin dans le Journal de la République des Lettres en différents endroits, principalement au mois d’Avril 1684, page 201. Toutes les preuves répandues dans ces différents Ouvrages se réduisent aux endroits de l’Ecriture sainte, des Canons, des Conciles, et des Passages des saints Pères contre les Spectacles.
Une foule d’Ecrivains tant anciens que modernes donnent des notions certaines de la faiblesse des Poèmes dramatiques dans leur origine chez les différentes nations ; et par l’examen de ces Poèmes, qui, pour la plupart sont encore entre nos mains, nous sommes nous mêmes en état de juger de la lenteur des progrès qu’ont fait les Poètes avant que d’arriver au point de perfection où se trouve les Tragédies de Sophocle et d’Euripide. […] Un Carrousel excite le courage : une course de Chevaux la curiosité et l’émulation : un Bal fait naître des mouvements différents selon les dispositions des Spectateurs : un Feu d’artifice excite la joie : une Pompe funèbre la tristesse, et ainsi des autres. Le Spectacle du Théâtre est le seul qui embrasse et qui excite toutes les affections et toutes les passions du cœur humain ; il y a telle représentation qui inspire la joie, la tristesse, la colère, l’amour, les larmes et les rires ; et tous ces mouvements s’emparent bien souvent dans un seul jour du cœur des Spectateurs, jusqu’à leur faire sentir toutes ces différentes impressions à la fois. […] Voilà trois Spectateurs agités de trois différentes passions : et je conviens que leur agitation subsistera pendant quelque temps en se calmant successivement et peu à peu ; mais après deux ou trois heures au plus, tous ces mouvements s’apaiseront et la tranquillité reviendra aussi parfaite qu’elle était avant qu’ils allassent au Théâtre ; par malheur la même chose n’arrivera pas à ceux qui auront été vivement agités et touchés de la malheureuse catastrophe de la tendre passion que Chimène et Rodrigue ressentent l’un pour l’autre.
Si l’on voit communément les Amoureux différents les uns des autres, selon leurs différentes situations ; on conçoit aussi que la même variété se trouvera dans les motifs qui les ont enflammés. De plus, cette passion excite différents sentiments et différentes impressions dans les Spectateurs mêmes ; tantôt elle corrige par l’horreur, comme dans Andromaque et autres Pièces du même genre, où les Amants éprouvent les derniers malheurs, et sont punis de leur passion par la perte même de la vie ; tantôt elle corrige par la compassion, comme dans le Cid, où les traverses, qui rendent les deux Amants malheureux, sont d’autant plus propres à corriger, que les Scènes d’amour de la même Tragédie en sont plus capables de corrompre, et le dénouement plus dangereux. […] Je ne m’arrêterai pas à parler des critiques et des apologies qui furent imprimées pour lors ; mais je ne puis me dispenser de dire un mot sur l’article de l’amour, qui est le fondement de la Tragédie d’Inès, et le but principal de mon ouvrage, quoique dans des sens fort différents. […] 11 La passion d’amour, par rapport à la Tragédie d’Inès, doit être examinée, selon moi, sous deux faces différentes. […] Crébillon, j’étais d’une certaine façon prévenu contre elle ; on m’avait dit qu’elle était si atroce qu’on ne pouvait, sans frémir, en voir la représentation : après l’avoir lue, sans condamner tout à fait ceux qui m’en avaient fait ce portrait, je me sentis engagé à faire quelques réflexions sur la différence du goût des hommes dans les différents temps.